TOUR DE TABLE AVEC… Ahmedou Moukhtar Mbodj, président de l’Interprofession avicole du Sénégal : «Nous avons commencé à ressentir les conséquences de ce couvre-feu»

Le président de l’Interprofession avicole du Sénégal (Ipas) confirme qu’un dispositif de surveillance a été mis en place autour de la ferme où le premier cas de grippe aviaire a été détecté et que la situation a été maîtrisée. Toutefois, Ahmedou Moukhtar Mbodj craint qu’avec cette deuxième vague de Covid-19, la filière renoue avec les difficultés auxquelles elle était confrontée lors de la première vague.Un foyer de grippe aviaire a été détecté à Pout, région de Thiès. Un dispositif mis en place autour de la ferme pour le circonscrire. Où en êtes-vous maintenant ?
La situation a été maîtrisée, parce qu’on a connu qu’un seul foyer qui se trouve dans la région de Thiès. On avait déjà mis en place un plan de contingence qui a été appliqué. Toute la volaille qui était dans ce poulailler, cette ferme, a été abattue et le matériel brûlé. On a fait tout le nécessaire pour qu’il n’y ait pas de contamination venant de la volaille. Le personnel qui était dans la ferme a été testé négatif. Le plan de contingence est une structure qui a été mise en place par l’Etat et qui travaillait depuis 2006, afin de prévenir la maladie.
Dans le plan de contingence, il a été prévu une indemnisation. Donc le propriétaire peut s’attendre à une indemnisation, mais pas à hauteur de ce qui a été investi sur place. C’était un cheptel assez important. Le nombre de sujets tournait autour de 100 mille pondeuses, soit une valeur d’environ 300 millions de francs Cfa.
L’avenir de la filière n’est-elle pas hypothéquée par l’apparition de ce foyer ?
Non, d’autant que le foyer a été maîtrisé. Ce qui reste à faire, c’est de rassurer les producteurs pour qu’ils puissent continuer à mettre en place des pontes et rassurer les consommateurs, afin qu’ils continuent à consommer le poulet. Car il n’y a aucun danger à consommer le poulet.
A cause du premier foyer apparu au Sénégal, le Mali et d’autres pays ont suspendu leurs importations de produits avicoles en provenance du Sénégal. Quel commentaire cela vous inspire ?
C’est normal. Quand il y a une grippe aviaire quelque part dans le monde, on ferme les frontières. Nous avions fermé nos frontières depuis 2005, à cause de la grippe aviaire qui sévissait un peu partout dans le monde. Les pays ont besoin de protéger leurs populations.
Comment se porte la filière avicole au Sénégal ?
On a été impacté par la pandémie du Covid-19. Nous avons connu des moments très difficiles liés à la mévente des poulets, des poussins ainsi que des œufs. Cette situation est imputable aux mesures de restriction qui ont été prises par le gouvernement pour limiter la propagation du virus. Pour rappel, les déplacements ont été limités, les marchés fermés et les cérémonies interdites. S’y ajoute la fermeture des hôtels qui absorbent une bonne quantité de la production avicole. Les petits producteurs avicoles ont été les plus impactés.
Aujourd’hui, nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur un plan de relance de la filière. Les pertes enregistrées ont été estimées à environ 30% de notre chiffre d’affaires qui est évalué à 300 milliards de francs Cfa.
Avez-vous bénéficié du Programme de résilience économique et sociale (Pres) qui a été financé à hauteur de 1 000 milliards de francs Cfa ?
Effectivement, nous en avons bénéficié. Nous avons reçu 668 tonnes d’aliment volaille que nous avons distribuées à nos membres. Ce n’est pas assez, mais c’est mieux que rien et c’est la première fois que l’Etat nous accorde un soutien pareil. Nous magnifions ainsi l’engagement du ministère de l’Elevage et des productions animales, celui du Commerce et des petites et moyennes entreprises et du Bureau opérationnel du suivi du Plan Sénégal émergent (Bos/Pse) qui nous ont beaucoup accompagnés. Il faut dire qu’aujourd’hui, si on a réussi à mettre en place une task force pour la mise en place du plan de relance de la filière, c’est grâce au soutien du Bos/Pse et du ministère de l’Elevage. Lorsqu’on a interdit les déplacements, les ministères de l’Elevage et du Commerce nous ont beaucoup soutenus pour obtenir des autorisations spéciales pour pouvoir se déplacer.
Malgré tout, nos inquiétudes demeurent, car avec cette deuxième vague, les hôtels ne fonctionnement presque plus. A Thiès les marchés ferment à 18 heures. Nous avons commencé à ressentir les conséquences de ce couvre-feu.
Dans le cadre de votre plan de relance, est-ce que la problématique relative à la cohabitation entre fermes avicoles et habitations a été prise en charge, afin d’y apporter une solution ?
Nous avons un réel problème foncier. La pression foncière est aujourd’hui assez importante. Raison pour laquelle nous avons demandé à avoir une zone dédiée à l’élevage et à la filière avicole, parce que l’aviculture était à Malika, à Keur Massar. Aujourd’hui, elle s’est déplacée vers Thiès. Il nous faut une zone dédiée pour qu’on puisse exercer convenablement notre activité, à l’image de ce qui se fait dans les pays développés.