En seulement quelques années d’existence, le crowfunding est devenu un segment à part entière de l’offre de financement. En Afrique, la tendance est un peu plus lente. En marge du Forum du Fpam sur «L’innova­tion financière au service du développement», M. André Jaunay revient sur les enjeux liés à ce mode de financement.

Qu’est-ce que le crowfunding ?
Le financement participatif ou crowfunding, c’est la possibilité maintenant pour l’ensemble des habitants de devenir financeurs directs de projets. C’est-à-dire, au lieu d’avoir des intermédiaires, de mettre son argent à la banque qui décide ce qu’elle fait de lui, on va décider, pour une partie de son épargne, de financer un projet précis, une entreprise, une école, un projet de développement durable et souvent à proximité. Ce projet-là, on va établir une relation directe avec lui. Et ce projet, on va le trouver sur une plateforme de financement participatif qui met en relation les porteurs de projet et les épargnants. C’est extrêmement puissant, parce que d’une part il y a les solutions techniques, et d’autre part il y a le désir de tous les contemporains d’être en maîtrise, en responsabilité par rapport à l’utilisation de son épargne. C’est une aspiration générale et ça assure un développement du financement participatif.

Et qui gagne dans ce type de financement ?
L’entrepreneur va trouver de l’argent et un réseau autour de lui. Il va tester son produit aussi, parce les gens qui vont apporter de l’argent sont intéressés par son produit et l’épargnant va gagner différentes choses, parce qu’il y a du don, du prêt et du capital. Ce qui a démarré, c’est le don. Le don c’est souvent des petits projets. C’est souvent du don avec une contrepartie comme par exemple une personne s’installe pour produire du miel et elle va avoir besoin d’argent pour lancer son activité. Les habitants vont apporter de petites sommes et en contrepartie, ils auront un peu de miel qui leur sera distribué. Ça c’est un modèle très fréquent, mais ce ne sont pas les plus gros montants financiers. Les plus gros montants financiers, c’est le prêt où on a un rendement, un taux d’intérêt. On prête à une entreprise souvent et l’entreprise va payer un taux d’intérêt souvent supérieur au taux du marché actuel, parce que l’entreprise a intérêt à le faire même si le coût est plus élevé, parce que c’est beaucoup plus rapide. En quelques heures, on peut avoir mobilisé l’argent pour une entreprise. Et dans le capital, la personne qui donne devient actionnaire de l’entreprise. C’est comme si elle est à la bourse, mais c’est pour des entreprises qui démarrent et en proximité le plus souvent. Si l’entreprise se développe bien, on peut avoir une plus-value en capital tout à fait importante.

Et pour une Pme, est-ce une opportunité intéressante de se tourner vers ce type de financement ?
Pour une Pme, surtout si c’est pour un prêt, oui. La Pme va par exemple avoir un marché qui se présente. Il lui manque une machine ou du personnel pour répondre très vite. Elle va pouvoir trouver très rapidement une ressource qui va lui permettre de répondre à cette occasion de développement.

On a évoqué les limites à ce système avec le manque de cadre réglementaire et des problèmes de sécurité. Que faut-il faire ?
Le cadre réglementaire est une condition du développement, c’est évident. Mais il y a des risques comme dans toute activité. Et quand on parle d’argent, il y a partout des risques. Il faut le savoir et l’assumer. Il faut expliquer aux gens qu’il y a des risques et ils prendront des décisions en étant éclairés sur les risques. Ce n’est pas toujours le cas et il faut un travail de pédagogie générale sur l’économie, l’argent et les gens qui sont intéressés à financer des projets. Il faut leur expliquer à la fois au moment de la décision initiale et dans le devenir de l’entreprise.

Et à quel niveau se situe l’Afrique de l’Ouest ?
Le financement participatif est relativement limité en Afrique pour le moment parce qu’il n’y a pas ce cadre. En France, on a eu la chance il y a quelques années d’avoir une ministre, Fleur Pellerin, qui s’est intéressée à ça. Donc on a fait sauter le monopole bancaire. C’est incroyable. On l’a fait parce qu’il y avait une conjoncture favorable et le mouvement du financement participatif qui s’était organisé. Donc là, si on ne fait pas sauter les limites règlementaires, on n’aura pas de développement significatif. Il faut vraiment franchir cette étape. Dans notre précédent forum à Tunis, on a permis d’enclencher des négociations en Tunisie et au Maroc qui ont permis d’avoir des lois pour favoriser le développement du crowfunding dans ces deux pays. C’est un de nos objectifs à Dakar, faire connaître et travailler avec les institutions pour faire évoluer la réglementation.

Il y a aussi l’arrivée de toutes ces fintech portées par le développement du secteur numérique…
C’est un élément de crédibilité par rapport au participatif parce qu’on s’est aperçu que sur le continent africain, vous avez été capables d’être novateurs et d’avoir une adoption significative des nouveaux modes de circulation de l’argent, de paiement etc. Et donc, ça confirme simplement que les Africains sont prêts à inventer des solutions adaptées. Cela montre que les comportements et les évolutions technologiques font qu’il y a des transformations très puissantes.