Sanoussi Diakité, coordonnateur du Projet de diffusion à grande échelle de la machine à décortiquer le fonio, par ailleurs directeur général de l’Office national de la formation professionnelle (Onfp), s’est rendu à Kédougou pour procéder au lancement des activités de la machine à décortiquer le fonio, implantée dans les localités de Diakhaba et Bembou. Dans ce tour de table en marge de sa visite, le Professeur-inventeur revient sur la relance de la production du fonio qui, selon lui, peut positionner l’Afrique de l’Ouest dans le concert des Nations. Il a ainsi exhorté les Etats africains, notamment celui du Sénégal, à en faire un levier de croissance et de développement.

Dans quel cadre s’inscrit la visite que vous venez d’effectuer à Kédougou ?
En tant que coordonnateur d’un projet de recherche financé par le Fonds national de recherche agricole et agroalimentaire (Fnraa), j’ai effectué une mission dans la région de Kédougou, notamment à Dia­kha­ba, Bembou et Saraya pour le suivi, la mise en place et le lancement des activités de la machine à décortiquer le fonio, objet du projet que je coordonne. Ce fonds, depuis trois ans, a accepté d’appuyer la diffusion à grande échelle de la machine à décortiquer le fonio. C’est un projet qui est conçu autour de ladite machine en tant qu’instrument de relance de la production et de la consommation de cette céréale. A cet effet, 80 machines ont été fabriquées par le lycée Maurice Delafosse de Dakar et installées dans différentes localités des quatre régions que sont : Sédhiou, Kolda, Tambacounda et Kédougou. L’Association sénégalaise pour la promotion du fonio (Asprof), dont le président est Abdoul Aziz Aïdara, est partenaire de ce projet en tant que structure qui mobilise les acteurs de la filière. Elle permet de faire l’information et la sensibilisation. L’iden­tification des localités bénéficiaires s’est faite avec la collaboration de l’Agence nationale du conseil agricole et rural (Ancar), des structures des directions du Dévelop­pement rural dans les quatre régions concernées. La communauté de Diakhaba m’a invité à venir échanger avec elle sur le fonio et la machine à décortiquer le fonio. Cette occasion a été saisie pour les sensibiliser sur l’importance de la céréale, son enjeu dans l’économie en général et le comportement qu’elle doit avoir vis-à-vis de la machine qu’on vient de mettre gratuitement à leur disposition. Cela a permis de faire des démonstrations sur place de décorticage du fonio. Le technicien a procédé à des séances de formation pour une utilisation meilleure de la machine au profit des opérateurs qui ont été choisis par les groupements de femmes. C’est dans le cadre de l’activité globale du projet que s’inscrit cette visite de terrain. Je ne peux pas être partout, compte tenu de mes responsabilités. Mais comme c’est un projet de recherche, il est question de collecter des données à analyser.

Quel est le but recherché à travers ces analyses et le projet ?
Ce que nous recherchons véritablement dans le projet, c’est de regarder comment la machine provoque des changements sociaux et économiques dans les localités en termes de production et de consommation du fonio. Il s’agit de voir si la présence de la machine permet aux populations de se relancer dans une culture qu’elles avaient abandonnée au fil du temps, du fait du manque de moyens et du travail pénible que le fonio demande. En plus de voir comment la machine étant dans la transformation permet la naissance d’initiatives entrepreneuriales pour les femmes et les jeunes en termes de transformation, conditionnement et écoulement du fonio sur le marché. C’est l’examen de ces transformations et changements sociaux qui intéresse le projet à travers des indicateurs qui sont bien identifiés. Maintenant que les 80 machines ont été fabriquées, je me dois aussi de participer à la communication dans le cadre de la mise en œuvre du projet pour davantage accélérer les effets de la machine au sein de ces communautés.

L’Etat s’est fixé comme objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Est-ce que la diffusion à grande échelle de cette machine contribue à son atteinte ?
Bien sûr que nous nous inscrivons dans une dynamique d’accompagner la politique et la vision du chef de l’Etat pour faire de l’autosuffisance une réalité. D’ailleurs, je vous informe que la machine a été financée dans le cadre d’un programme sous le Fnraa. Ce fonds tient sur un programme sous régional qui est le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (Waapp). Tout cela participe dans chacun des pays à une politique de l’Etat. Le Fnraa a financé des projets dans le domaine du riz, de la pisciculture, des semences, entre autres, pour concourir à la politique de l’Etat en matière d’autosuffisance alimentaire. Cependant, la culture du fonio a intéressé le Fonds national de recherche agricole et agroalimentaire du point de vue de son potentiel d’avenir. C’est une céréale africaine. Elle a un potentiel extrêmement important et il faut déjà mettre en place les conditions de son développement. C’est la raison pour laquelle il est question de favoriser le fonio par ces actions aussi bien dans la sécurité alimentaire que la diversification des cultures. Mais le fonio n’est pas que ça. C’est une innovation culturale très importante du point de vue des politiques publiques. Il peut positionner l’Afrique de l’Ouest dans le concert des Nations en termes de culture génératrice de revenus et de développement. Le fonio est une céréale africaine qui a un grand potentiel. C’est donc normal que les Etats s’y intéressent. Je crois que ce sont les prémisses de grands programmes sur le fonio. Je vois venir des programmes de production de fonio qui vont avoir comme objectif un million de tonnes. Tout cela est en préparation, en gestation, en construction au niveau des fondations. Et tous les programmes, que ça soit la semence qui a été travaillée par l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra), les techniques culinaires travaillées par l’Institut de technologie alimentaire (Ita), ou la machine à décortiquer le fonio, tout cela est en train de fournir les éléments qui permettront de donner une place importante dans les politiques publiques pour la céréale.

Parlez-nous des vertus médicinales de cette céréale …
Il y a des chercheurs, comme Dr Djibril Traoré de l’Ita, qui ont démontré dans une thèse comment les substances issues du fonio traitent le cancer. En plus du fait que le fonio soit adapté pour le traitement du diabète n’est plus quelque chose à démontrer parce que cela a fait l’objet d’une démonstration scientifique également. De sorte qu’il y a une demande, un appel vers les pays occidentaux sur le fonio. Dès lors, il faut se préparer à en faire un levier de croissance, de développement pour nos pays. Il faut agir vite et bien. Sinon, il y a des velléités de récupération de cette culture. Et au lieu que nous soyons producteurs et transformateurs, nous ne deviendrons que des consommateurs. Que Dieu nous en préserve ! Le fonio a une destinée radieuse. Nous sommes heureux de contribuer à sa relance. Partout où la machine a été installée depuis 3 ans, il y a un regain d’intérêt des populations pour sa culture. Cela a abouti à une multiplication par 2 des surfaces emblavées d’une année à l’autre à partir de l’installation de la machine. Il y a aussi des initiatives entrepreneuriales qui naissent. Tout cela va être consigné dans le rapport final du projet.