Tournée économique du Président : Les paris d’une visite pleine de Faye

A l’heure où le Président Bassirou Diomaye Faye entame sa première grande tournée économique dans le Sud, la Casamance se retrouve au centre de l’agenda de «rupture» porté par les nouvelles autorités. Entre investissements massifs annoncés, enjeux sécuritaires transfrontaliers et réintégration des déplacés, ce périple de cinq jours résonne comme un test de souveraineté et de popularité. Au-delà des chiffres -avec une enveloppe de plus de 53 milliards de F Cfa-, l’Exécutif joue sa crédibilité sur sa capacité à transformer ce bastion stratégique en un pôle agro-industriel performant, capable de tourner définitivement la page de la marginalisation et du conflit.
Le «Plan Casamance» : un électrochoc financier de 53 milliards ? L’enjeu majeur de la visite du Président Diomaye Faye est avant tout économique. Le chef de l’Etat arrive avec une feuille de route budgétaire claire : 53, 6 milliards de F Cfa destinés au Programme de développement de la Casamance (Pdc). Il ne s’agit plus de saupoudrage, mais d’un investissement ciblé sur les infrastructures de production. De Ziguinchor à Kolda, en passant par Sédhiou, l’objectif est de transformer le potentiel agricole en réalités industrielles. Le port de Ziguinchor et les axes routiers vers la Guinée-Bissau sont les fers de lance de cette stratégie qui vise à faire du Sud le véritable «grenier du Sénégal».
La visite du Président Bassirou Diomaye Faye en Casamance, prévue du 20 au 25 décembre 2025, revêt une importance capitale pour le nouveau régime. Cette tournée économique s’inscrit dans un contexte de consolidation du pouvoir après les Législatives, et vise à concrétiser la vision «Sénégal 2050» dans le Pôle sud. L’objectif central est le redressement territorial. Le Président Faye souhaite transformer le potentiel agricole et touristique de la région en levier de croissance nationale. Pour le désenclavement, il y a un suivi des projets d’infrastructures (ponts, routes) pour faciliter la circulation des biens vers le reste du Sénégal et la sous-région. Concernant la transformation locale, il faut souligner une mise en avant du pôle agro-industriel pour réduire la dépendance aux importations et créer des emplois pour la jeunesse locale.
Enjeu économique et sécuritaire : le Plan Diomaye pour la Casamance et consolider la paix
Au-delà des grands chantiers, le Plan Diomaye inclut des aides directes pour la reconstruction des foyers des déplacés de retour (distribution de tonnes de ciment, de tôles et de matériel de construction). Après des décennies de conflit, le Président cherche à transformer l’accalmie actuelle en une paix définitive. L’un des points forts est l’accompagnement des populations qui regagnent leurs villages après des années d’exil (notamment en Gambie). Le soutien en matériel de construction et le déminage des terres agricoles sont des demandes pressantes. En visitant les zones frontalières, il réaffirme l’autorité de l’Etat et la lutte contre les trafics (notamment de bois de teck et de chanvre indien), tout en misant sur une coopération accrue avec la Gambie et la Guinée-Bissau.
Cette visite est un test de popularité et une opération de communication politique majeure. La Casamance, bastion historique de Ousmane Sonko (son Premier ministre), est un terrain conquis qu’il s’agit de rassurer. Le Président veut montrer qu’il n’est pas «le Président de Dakar», mais celui de tous les territoires. En rencontrant les chefs religieux, coutumiers et les associations de femmes, il cherche à bâtir un consensus autour de son agenda de transformation systémique.
Paix et reconstruction : cicatriser les plaies du conflit
Sur le terrain sécuritaire, Bassirou Diomaye Faye doit transformer l’accalmie actuelle en une stabilité irréversible. La question des déplacés est au cœur des préoccupations. Le gouvernement a déjà amorcé le retour de milliers de familles vers des villages abandonnés depuis des décennies. En visitant les zones de déminage, le Président envoie un signal fort : l’Etat réinvestit les zones autrefois «rouges». Ce retour à la terre est la condition sine qua non pour que la paix ne soit pas qu’un simple cessez-le-feu, mais une réalité socio-économique tangible.
La diplomatie du «bon voisinage» à l’épreuve
Le succès de la pacification et de la lutte contre les trafics dépend d’une coordination sans faille avec Banjul et Bissau. En réaffirmant son leadership régional, le Président Faye cherche à verrouiller les frontières. L’enjeu est de transformer ces zones de transit illicite en corridors commerciaux sécurisés. Ce volet diplomatique est crucial pour mettre fin à l’économie de guerre qui a longtemps alimenté le conflit. La paix en Casamance ne peut être pérenne sans une implication active de la Gambie et de la Guinée-Bissau. Raison pour laquelle le Président Faye a fait de la «diplomatie de bon voisinage» une priorité absolue dès son élection.
Pour la lutte contre le trafic de bois, le Sénégal cherche à obtenir un engagement ferme du Président Adama Barrow pour stopper l’exportation illégale de bois de rose vers l’Asie via le port de Banjul. L’objectif est de réduire les zones de refuge des derniers éléments armés du Mfdc qui utilisaient la frontière gambienne comme base arrière. Avec la Guinée-Bissau, il y a une coopération militaire très intense, car des patrouilles mixtes sont renforcées pour sécuriser la zone sud. Entre les deux pays, les discussions portent sur la gestion commune des ressources halieutiques et pétrolières dans la zone de gestion conjointe, afin que les retombées bénéficient directement aux populations locales des deux côtés de la frontière.
Les défis restants : le déminage et la jeunesse
L’analyse de cette visite montre deux points de vigilance pour le régime : le déminage humanitaire. C’est le préalable à tout développement agricole. Les populations réclament une accélération du nettoyage des terres pour pouvoir exploiter les vergers de mangues et d’anacarde. Et il y a aussi l’emploi des jeunes : la Casamance a un taux de chômage des jeunes élevé malgré ses ressources. Le défi pour Diomaye Faye est de transformer les promesses de pôles agro-industriels en contrats de travail pour éviter que la jeunesse ne soit tentée par l’émigration irrégulière ou le repli identitaire.
En tout cas, cette tournée est le passage de la promesse électorale à l’action concrète. Pour Bassirou Diomaye Faye, il s’agit de prouver que la «rupture» signifie aussi une présence physique de l’Etat là où les populations se sentaient autrefois délaissées. Cette visite est une «mission de souveraineté». Le Président ne vient pas seulement inaugurer des projets, il vient sceller un nouveau contrat social avec une région qui a longtemps eu un sentiment de marginalisation. Le succès de ce déplacement se mesurera à la capacité du gouvernement à décaisser rapidement les fonds promis et à maintenir le dialogue avec les pays limitrophes pour stabiliser définitivement la zone.

