La crise sanitaire du Covid-19 a été si surprenante que les Etats, même les plus puissants, ont dû dégager des moyens importants pour y faire face. Et il y a un mot qui n’est pas nouveau, mais que tous, ou presque, se sont passés : Résilience.
Résilience est un concept qui est souvent mal utilisé et pas bien compris par beaucoup d’individus. Elle est différente de riposte ou résignation.
Elle est utilisée dans de nombreux domaines : la mécanique, l’environnement, la gestion urbaine, l’entreprise, l’Etat…
On peut prendre la définition qu’en donne, en 2009, l’Organisation de la sécurité du Québec, au ministère de la Sécurité publique du Québec. Selon elle, la résilience d’un système, d’une organisation est son aptitude à maintenir ou à rétablir un niveau de fonctionnement acceptable des services essentiels malgré les perturbations.
La résilience suppose l’existence de situation anormale engendrée par une ou des perturbations. Ainsi, il est important d’identifier les potentielles perturbations, avant de proposer un plan de résilience que certains appellent un plan de riposte.

Quelles sont les perturbations ou menaces ?

Elles sont protéiformes : tremblement de terre, volcan, épidémie, conflit, sécheresse, inondation, ouragan, rupture d’approvisionnement en pétrole et gaz, rupture des canaux de transport et usines de production d’eau, rupture de la fibre optique, panne de satellite de télécommunication, etc.
Des études ont montré la survenue de certaines catastrophes selon des cycles. Aux Etats-Unis, des recherches ont expliqué que tous les 150 ans, un séisme majeur frappe la Californie. Les dirigeants sont en train de se préparer à une résilience face à cette menace.

Au Sénégal, si on observe la pluviométrie depuis un siècle, on note des phases de baisse importante. Si on étudie attentivement la courbe d’évolution, on peut noter des périodes de stress important qui engendrent des sècheresses ; d’où l’importance d’une étude approfondie et d’un plan de résilience face à une sècheresse.

C’est quoi les services essentiels indispensables
Ils sont de différents ordres : sécurité, eau potable, électricité, produits alimentaires de base, service de santé d’urgence, etc. Il faut préciser que la perturbation d’un service peut engendrer des défaillances en cascades, car il y a une anastomose des réseaux.

Quels sont les niveaux de gravité ?

Pour identifier les niveaux de gravité de la perturbation, on peut utiliser les trois couleurs : vert, jaune et rouge. C’est juste un exemple.

Le vert : la perturbation est grave, mais l’essentiel des services essentiels fonctionnent.
Le jaune : la perturbation est très grave et une seule partie des services essentiels fonctionne.
Le rouge : une catastrophe
d’une grande ampleur avec une défaillance totale des services essentiels.
A partir de ce diagnostic, on élabore un plan de résilience pertinent et efficient.
Dans ce contexte, il est question dans le plan d’identifier plusieurs paramètres : ceux qui coordonnent, ceux qui communiquent, ceux qui financent, ceux qui interviennent sur le terrain, les structures à sauvegarder d’urgence, les systèmes de redondance, etc.
Il faut y ajouter que les niveaux de prise de décision sont différents en fonction de la gravité de la perturbation. Par exemple, dans une entreprise de télécommunication, si une panne affecte une ou des antennes-relais aux Parcelles Assainies, dans le plan de résilience, le directeur technique est désigné pour cordonner la riposte, la restauration, en informant la hiérarchie. Par contre, si c’est la fibre optique ou le satellite qui est défaillant, la prise de décision est déplacée au sommet de l’entreprise avec un protocole de riposte détaillé dans le plan.
Il y a un plan national et local, à l’échelle d’un pays ou d’une collectivité locale en passant par l’entreprise, l’hôpital, les ministères (Santé, Agriculture, Education, Armée, Economie, Transport, Commerce, Energie, Environnement, Affaires étrangères…), etc

Un plan de résilience peut même être utile pour une famille. Ainsi, le chef de famille réfléchit à une situation de perturbation comme un décès brutal, un incendie, une perte d’emploi… Le plan de résilience va permettre de faire face rapidement, avec moins de conséquences, aux difficultés, permettre la prise en charge des besoins élémentaires de la famille et le retour à une situation acceptable.

C’est comme une sorte d’assurance maladie ou une assurance pour voiture. En y souscrivant, on n’est pas certain de l’utiliser, mais il est plus responsable d’en avoir que d’attendre un sinistre pour y penser.

Tout est question d’anticipation. C’est vrai aussi qu’on ne peut pas tout prévoir, car il y a des perturbations imprévisibles. Cependant, il n’est pas inutile de réfléchir sur ce que nous connaissons déjà et les menaces qui sont identifiables. Il s’agit de bâtir des structures solides, des institutions fortes, flexibles et agiles, capables de répondre à des perturbations majeures et, ainsi, satisfaire les besoins de base de la population.
Il ne faut pas attendre une perturbation pour faire un plan de résilience. Si le plan est bien fait, il ressemble à un document de check-up (comme dans un avion avec les pilotes), et les acteurs ont déjà à portée de main un protocole qui leur permet de dérouler leurs actions avec une possibilité de vérifier plus tard les manquements et les failles des intervenants, et en même temps améliorer le plan.
Même en l’absence de perturbation, il est important de faire des tests et manœuvres réguliers pour éprouver les systèmes et l’efficacité du plan de résilience.
Dans un pays, il est alors fondamental de mettre en place une structure, une agence, ou un bureau de veille, d’alerte et d’information pour recueillir des données au niveau national et international, les analyser et informer les décideurs pour anticiper et déclencher des mesures d’urgence.
Par exemple, le bureau qui est en contact avec les services de la météorologie peut avoir des informations sur une probable inondation et permettre aux décideurs de se réunir avant les pluies et décider des installations à protéger, à arrêter, identifier les probables sinistrés, les sites de ravitaillement pour leur venir en aide, les systèmes de redondance à préparer pour prendre le relai des dispositifs défaillants, etc.
Aux Usa, les décideurs sont informés de l’arrivée d’un ouragan quelques jours à l’avance, et ils peuvent prendre des mesures et déclencher le plan de résilience.
Ce qui réduit les conséquences Ce qui réduit les conséquences désastreuses sur les plans humains et économiques.
Un plan doit être actualisé le plus régulièrement possible, car les individus qui prennent les décisions à divers niveaux sont remplacés, les partenaires stratégiques changent, les réseaux et les technologies évoluent, etc.

Les pays les plus développés ne sont pas toujours les plus résilients. Le président de la France, Emmanuel Macron, affirmait dans son dernier discours télévisé que la France n’était «à l’évidence pas assez préparée» face à la pandémie. Son compatriote, l’économiste Frédéric Bizard, admettait ceci sur lexpress.fr : «L’Etat français, pour la gestion de la crise sanitaire, est plutôt performant dans la réaction. Mais il est mauvais dans l’anticipation, la prévention. Or dans une crise sanitaire, il faut plutôt anticiper pour être performant.»
Après le choc, il faut de l’adaptation et une période de rétablissement du système en général.

Tous les importants efforts du gouvernement du Sénégal doivent être accompagnés par les populations. Une condition nécessaire pour sortir de cette situation.

Ababacar LO Géographe, Professeur au lycée Seydina Issa Rohou Lahi, ex LPA de Dakar ababacar58@gmail.com