Elle traîne encore et toujours, après 18 ans passés, les séquelles de l’excision que ses parents lui ont fait subir à son enfance. M. D. ne peut pas encore consommer son mariage, 9 mois après leur union. Le couple est l’exemple d’une vie conjugale gâchée par l’infibulation subie par la petite M. D.

Les paroles se libèrent tous les jours pour partager les souffrances provoquées par l’excision. M. et Mme Kandé, originaires du village de Saré Mansaly, situé dans la commune de Saré Coly Sallé, ont accepté d’exposer leur difficile vie de couple devant une foule de quelques deux cent personnes, composée de leaders religieux, de chefs de village, d’exciseuses, d’agents de santé et des encadreurs de l’Ong Usu qui collabore avec l’Ong allemande (I)ntact/Bmz, dans le cadre d’un Projet de lutte contre les mutilations génitales féminines dans le département de Vélingara. M. D. Kanté, teint clair, svelte, élégamment habillée, avance d’un pas hésitant, tient le micro, commence à raconter, sanglote, puis remet le bout de métal à son époux M. A. Kandé. Ce dernier commence, s’arrête, puis révèle : «Depuis notre nuit de noce il y a 9 mois, nous ne parvenons pas encore à consommer le mariage, à avoir une vie de couple épanouie.» Il n’explique pas tout. C’est l’infirmier d’Etat, Aliou Badara Baldé, au fait du problème, qui apporte plus d’éclairages. Il dit : «En réalité, cette fille a subi l’excision du 3ème stade, selon une classification de l’Oms. Elle consiste à raser la totalité du clitoris, à inciser les petites lèvres et mettre une adhérence jusqu’à obtenir une quasi-obturation du vagin qui ne laisse de la place qu’à de l’urine. C’est l’infibulation. Une manière d’interdire tout rapport sexuel jusqu’au mariage. Le jour de noce, il faut encore appeler l’exciseuse pour libérer le vagin à l’aide d’un couteau. Ce qui donne cours à un tableau dramatique de saignement et de douleurs. La fille peut ainsi craindre tout rapport sexuel ultérieur. C’est la dyspareunie.» Une facilitatrice de l’Ong Usu ajoute : «Pour ce qui concerne ce couple, après la première nuit, la fille a rechigné à tout rapport sexuel. Ce qui a occasionné une 2ème obturation du vagin.» L’agent de santé a dans sa communication révélé toutes les autres conséquences possibles de l’excision, à savoir la frigidité, les fistules obstétricales, les hémorragies durant l’accouchement, l’incontinence, etc. C’était suffisant pour sensibiliser la foule triée au volet qui avait répondu à l’invitation de l’Ong Usu dans le cadre de la célébration de la Journée internationale tolérance zéro excision dont le thème est «Investir dans les adolescents, filles et garçons, à travers la formation et l’information, afin d’atteindre l’objectif tolérance zéro aux mutilations génitales féminines en 2030». Néné Bono, une exciseuse, qui dit avoir abandonné la pratique, a invité les mamans à les aider à réussir la reconversion. «Si vous ne nous apportez pas vos filles, nous n’irons pas les retrouver chez vous pour les exciser de force. Nous sommes assez informées et sensibilisées sur les séquelles dommageables de la pratique sur la future vie d’épouse et de maman de nos filles.» Boubacar Baldé, coordonnateur régional de l’Ong Usu, a touché la fibre religieuse de la foule pour renforcer. Il a dit : «Le prophète de l’islam (Psl) n’a fait subir cette pratique à aucune de ses 4 filles. Cela prouve son caractère aléatoire. Et comme il est néfaste pour la vie de la fille, il vaut mieux l’abandonner.»
Il faut savoir que l’Usu, qui a obtenu un appui de l’Ong allemande (I) ntact/Bmz, déroule pour une durée de 3 ans (depuis 2019) un projet intitulé «Eradication de la tradition des mutilations génitales féminines dans 242 villages du département de Vélingara». Les communes enrôlées sont celles de Bonconto, Linkéring, Némataba, Saré Collé Sallé et Sinthiang Koundara.