Entre janvier et octobre 2017, 31 enfants ont perdu la vie entre Matam, Kanel et Ranérou. Selon Moulaye Diallo, chef d’antenne de l’Ong Action contre la faim à Matam, ces décès sont dus à la malnutrition qui sévit de façon endémique chez les enfants de ces trois départements de la région de Matam.

Il y a seulement quelques semaines, les autorités tergiversaient toujours sur la réalité de la situation alimentaire dans la région nord du pays. Pendant ce temps, des enfants en payaient le prix. Entre janvier et octobre 2017, dans le district sanitaire de Matam, 23 enfants ont perdu la vie. Des décès dus à la malnutrition qui sévit dans la région de façon endémique depuis une dizaine d’années. Selon le chef d’antenne de l’Ong Action contre la faim (Acf) à Matam, M. Moulaye Diallo, ces décès dus à la malnutrition sont au nombre de 7 dans le district de Kanel sur la même période, contre 1 décès enregistré à Ranérou. Au total, l’Ong a recensé 2 863 nouveaux admis qui souffrent de cette pathologie sur une cible globale qui tourne autour de 8 700 enfants. Selon l’enquête Smart 2015, le taux global de malnutrition dans le département de Matam est de 16,5%. Pour la malnutrition aiguë sévère, elle concerne 3% des enfants de 0 à 5 ans. Dans le centre de santé de référence de Kanel, la poussière et le vent ont fini de rendre déserts les couloirs de la structure. Seuls quelques malades attendent encore leur tour. Souvent, elle reçoit des enfants souffrant de malnutrition en consultation. Selon Mme Khady Faye, infirmière au district sanitaire de Kanel, la prévalence élevée de la malnutrition dans le secteur est fortement liée à l’ignorance et l’analphabétisme des parents. Pis, ces derniers ne la considèrent même pas comme une maladie. Le plus souvent, quand les enfants arrivent à l’hôpital, c’est pour une diarrhée ou une fièvre. «Par ignorance, beaucoup de mamans ne respectent pas l’allaitement exclusif», explique Mme Faye. Il s’y ajoute, selon elle, les grossesses rapprochées, l’anémie chez les mères ou tout simplement le manque de nourriture qui fait que les enfants mangent exactement la même chose que les adultes. Dans cette région où le régime alimentaire est souvent à base de lait et de couscous de mil séché (ndiorndi), les enfants en subissent les conséquences et souffrent de carence. En général, indique l’infirmière, les cas les plus graves viennent de villages très éloignés et qui se situent dans le Ferlo. Moulaye Diallo donne l’exemple de Salalatou dans le Ferlo. Ce village que son équipe a visité est distant de 87 km de Ranérou Ferlo qui est à 100 km de Matam. Pour parcourir cette distance, les populations ne disposent que de charrettes. «Dans ces zones, on peut rester une semaine sans voir passer une voiture et la charrette met 4h pour rallier la ville de Ranérou», dit-il. Ce sont ces conditions de vie difficiles qui expliquent les prises en charge tardives.

Kwashiorkor,
marasme, ces
maladies qui
déciment les
plus jeunes
Selon le personnel médical du district de Kanel, quand un enfant arrive dans la structure, c’est sur la base de ses paramètres de température, de taille et de la mesure de son périmètre brachial que le personnel soignant peut déterminer le statut nutritionnel de l’enfant. Si l’enfant est atteint de malnutrition aiguë sévère, la présence d’œdèmes bilatéraux et évoluant vers le haut est le signe d’un kwashiorkor. Selon Moulaye Diallo, ces enfants sont les plus difficiles à traiter parce qu’ils doivent d’abord perdre du poids avant d’en gagner, ce qui a tendance à décourager les mamans. Pour les enfants souffrant de marasme, les caractéristiques sont la maigreur et un ventre ballonné. Ces enfants qui pleurent tout le temps ne sont également jamais rassasiés.
Face à ces situations, l’Ong Acf vient en aide aux parents et aux enfants. Aux premiers est octroyé un kit au moment de l’hospitalisation. Il comprend un drap, du savon et de l’eau de javel. Pour l’enfant, il s’agit d’une prise en charge complète de son traitement. «Nous avons contractualisé avec toutes les structures de santé qui nous présentent leurs factures et que nous remboursons», explique M. Diallo. En moyenne, la prise en charge d’un enfant revient à 35 euros, environ 22 mille 958 francs Cfa. L’ong prend en effet en charge les soins, les analyses, l’hospitalisation ainsi que le transport des parents à la sortie de l’hospitalisation. Seulement, ces efforts ne suffisent pas encore puisque, raconte Mme Faye, il arrive que la maman choisisse de quitter les soins parce que n’ayant pas de moyens de subsistance lui permettant de rester à l’hôpital.
Cette dernière année, les appuis d’Acf ont baissé. C’est le résultat de la baisse des subventions de l’Union européenne au Sénégal. Résultat, les stratégies communautaires ne concernent plus que les zones les plus vulnérables. L’Ong, qui mettait en place des équipes mobiles pour assurer des dépistages dans les zones les plus éloignées, a dû revoir ses ambitions à la baisse. Mais la maladie, elle, continue de tuer de petits anges.