Pour mettre fin aux violences faites aux femmes et pousser ces dernières à développer un leadership, l’Ong Famedev a tenu, mardi dernier, une journée d’échanges dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme contre ce phénomène. L’activité s’est déroulée avec la collaboration des artistes de Kaddu Yaraax pour faire passer le message.Par Amadou MBODJI –
La journée d’échanges dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre s’est tenue mardi dernier au Centre socioculturel de Yaraax. Avec comme thème : «Sortir de la violence est notre responsabilité collective», cette activité visait à sensibiliser sur les violences dont est victime la gent féminine. «Nous organisons cet événement, en collaboration avec Kaddu Yaraax, pour apporter notre contribution, participer à cet élan de sensibilisation sur la violence basée sur le genre. Comme vous le savez, nous arrivons au terme aujourd’hui de la campagne des 16 jours d’activisme à l’initiative de l’Onu et des autres organismes internationaux, et nous voulions aussi d’une certaine manière marquer cette campagne-là en retrouvant les acteurs réunis autour de Kaddu Yaraax qui nous viennent d’un peu partout, de la capitale et même de la grande banlieue», a d’emblée campé le décor Pape Adama Touré, chargé de projet pour l’Ong Famedev.
L’implication des acteurs culturels constitue un moyen pour mieux faire passer le message. «Nous avons impliqué des acteurs du théâtre, des comédiens à cette sensibilisation en sachant qu’ils sont des relais très forts et ils ont une certaine capacité de créativité, d’ingéniosité. Et ils sont très suivis, très influents, que ce soit sur les réseaux sociaux, les médias classiques, à la télévision, etc.», avance Adama Touré, avant de parler des sous-thèmes et de l’importance qu’ils revêtent pour mieux conscientiser sur le phénomène de la violence basée sur le genre. «Nous avons essayé de réfléchir autour de thèmes centraux qui traitent un peu de la responsabilité collective, en tout cas de la responsabilité de tous par rapport à ce phénomène qui persiste et nous avons choisi trois sous-thèmes, en l’occurrence les violences économiques, les violences à l’ère du numérique, le cyberharcèlement sur les réseaux sociaux avec les invectives, les femmes qui sont humiliées, qui font l’objet de chantage avec des sextape, des lomotif. C’est très répandu en ce moment et on a tendance à voir une certaine banalisation de ce phénomène qui détruit des vies, des familles, et ça peut même conduire à la mort avec des cas de suicide, etc.», ajoute M. Touré. Le leadership féminin n’est pas en reste, en partant de la réalité qui veut que les femmes sont reléguées au second plan.
«Le dernier sous-thème traité est celui du leadership féminin dans le secteur artistique. Dans le milieu du théâtre par exemple, le constat est que rares sont les femmes metteurs en scène. On voit qu’elles sont présentes sur scène, sur les planches, à l’image de Yacine, Betty et d’autres, elles sont très brillantes, même dans les téléfilms, mais elles ne réussissent pas très souvent à briser ce plafond de verre, à être leaders dans leur domaine», constate M. Touré. «Souvent même dans certains groupes de théâtre, on les assigne à des tâches vraiment secondaires, voire dévalorisantes», surligne-t-il, en comptant faire son possible pour changer la donne. «Ce que nous comptons faire, c’est allier la théorie à la pratique parce que ce qu’on constate, c’est qu’il y a beaucoup de séminaires, d’ateliers de formation, de renforcement de capacités, mais à l’arrivée, on n’en voit pas réellement l’utilité et les lignes ne bougent pas tant que ça. Lors de cette journée de sensibilisation, il y a eu beaucoup d’échanges, avec une centaine d’acteurs, d’actrices qui sont mobilisés pour réfléchir ensemble et produire des représentations théâtrales qu’on pourra capitaliser et puis diffuser le plus largement possible», affirme-t-il.
Yacine Diop, actrice, comédienne à Kaddu Yaraax, qui a pris part à cette journée, a fait une plaidoirie en direction de la jeune génération, plus particulièrement la gent féminine, sur les dangers du téléphone portable. «J’invite les femmes à une prise de conscience par rapport aux téléphones, surtout avec les vidéos. Il faut savoir mesurer les conséquences des actes que l’on pose. Une vidéo peut vous rattraper dix ans après, à un moment où l’on est devenue mère de famille. Combien de personnes se sont donné la mort sans que l’entourage n’en connaisse la cause ? Je pense que c’est quelque chose qu’on devrait prendre en compte. Les parents doivent aussi sensibiliser leurs enfants», déclare la jeune comédienne.
«Par exemple, à chaque fois que je rentre à la maison, je vois que tout le monde a les yeux rivés sur le téléphone. Tout le monde a la tête baissée. C’est la génération tête baissée. Mon grand-père dit en être indigné puisqu’il ne trouve plus personne avec qui discuter. Les téléphones ont participé à la dégradation des bonnes habitudes. Les Sénégalais sont dans le mimétisme. Ils se servent de TikTok pour faire des challenges au moment où d’autres l’utilisent pour faire du business. Il y a tellement de choses utiles qu’on peut faire avec. Par exemple, il y a des médecins qui donnent des conseils de santé sur TikTok, ce que je trouve important», atteste la jeune dame. «Des thèmes comme le harcèlement sont des phénomènes que les jeunes sont en train de vivre. Je n’ai jamais fait l’objet de harcèlement, mais je connais une personne qui en est victime. J’en parlais ce matin à l’atelier. C’est une jeune fille qui avait fait une vidéo pour l’envoyer à son petit ami. Ce dernier l’a envoyée à un ami et cette vidéo a commencé à être virale. Le père de la jeune fille en est sorti très malade. La fille qui fait l’objet du harcèlement se trouve ici au Sénégal, sa scolarité en a pris un coup puisqu’elle n’étudie plus. Je la connais bien. Elle fuit le regard des autres et n’apparaît plus en public», argue-t-elle.
«On pense que les téléphones servent seulement à faire des vidéos. Le téléphone remplit d’autres fonctions beaucoup plus importantes. Les jeunes filles de mon âge ne savent pas comment utiliser le téléphone. Tu les vois faire des vidéos avec leur téléphone. On devrait faire très attention avec les vidéos qu’on aime tant. Des fois tu peux faire une vidéo de toi avec des habits qui mettent en relief ta féminité, les gens ne mettront que les parties intimes pour les capturer et les diffuser. On peut prendre cette photo et la mettre sur un réseau de prostitution», fait-il savoir. «On en a vu tellement. Je fais de la vente en ligne via mon téléphone. Est-ce que je fais des vidéos ? Non, je n’en fais pas, j’ai des articles, je les publie sur WhatsApp pour les vendre. Je n’ai pas de boutique, encore moins de magasin où les exposer, je les garde à la maison en mettant à contribution les réseaux sociaux pour les proposer à la clientèle. Ceux ou celles qui sont intéressés me contactent», indique Yacine Diop. Cette dernière salue l’initiative prise par l’Ong Famedev d’organiser cette journée qui, selon elle, va participer à changer la donne.
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