Un artiste ressortissant de la Guinée, Soul Bang’s, et son épouse ont eu la semaine dernière, un accrochage avec la police des frontières de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd). L’altercation, qui était diffusée en direct sur le réseau social Facebook, fut virale et occasionnera un torrent de réactions à chaud.

Dans un emportement qui caractérise les réseaux sociaux et les générations connectées d’Africains, promptes à s’indigner pour tout et réagir au quart de tour avant de se mettre à l’analyse lucide, l’affaire Soul Bang’s fera un tollé. Elle sera l’occasion rêvée pour plusieurs personnalités de verser leurs torrents d’insanités sur le Sénégal et s’insurger contre un «traitement» que notre pays et sa police des frontières appliquent à nos portes.

Tout ce qu’il y aura comme starlettes, apprentis entrepreneurs, activistes zélés et amuseurs publics, s’en donnera à cœur joie de s’insurger contre le traitement fait à Soul Bang’s et son épouse, en demandant à ce que les gens «soient traités comme des humains». Il sera fait fi dans les récriminations des bons guerriers de la justice sociale de notre continent, des éléments déclencheurs d’une telle conduite. Personne ne voudra mentionner un refus d’obtempérer et de coopérer d’une personne à laquelle les agents demanderont son lieu de séjour à Dakar dans le plus grand des calmes. Les inquisiteurs du Sénégal dans leur plaidoirie tairont aussi le fait que le monsieur (la célébrité, pardonnez du peu) aura des soucis à se faire scanner les doigts et remplir les formalités nécessaires. Elle se pensait déjà outrée de se faire contrôler par de pauvres policiers sénégalais qui n’en ont cure de sa renommée. Une de ses concitoyennes guinéennes fera également une vidéo pour expliquer toute la séquence et la logique maligne de Soul Bang’s pour se créer un incident et surfer sur le buzz. On ne peut pas faire plus putaclic !

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L’Aéroport international Blaise Diagne et son fonctionnement opérationnel ont leurs tares qui sont soulignées par différents voyageurs, j’en veux pour rappel la chronique de Madiambal Diagne dans ces colonnes, intitulée «Sauver l’aéroport Blaise Diagne de Diass», qui revenait sur certaines pratiques anachroniques qui plombaient l’ambiance et la gestion de cette plateforme aéroportuaire. Toutefois, vouloir en faire une terre hostile à tout étranger est un sale mensonge qu’alimentent ceux qui ont une haine du Sénégal et trouveraient à dire à chaque occasion se présentant de salir le pays.

L’incident de Soul Bang’s comme ceux qui l’ont précédé avec Martial Panucci, un activiste, ou Ks Bloom, un chanteur gospel ivoirien, sont le fait de célébrités se pensant dignes d’un traitement de faveur devant des policiers qui ne font que leur mission sans s’intéresser aux titres, qualités et rangs des voyageurs, quand ceux-ci ne sont pas encadrés par les dispositifs connus. Sur près de trois millions de voyageurs reçus à l’Aibd en 2023, il n’a jamais été compté un seul incident entre des diplomates étrangers, des personnels navigants, des délégations officielles ou des célébrités en représentation au Sénégal. Dakar est néanmoins une capitale du continent qui reçoit des centaines de grands rendez-vous économiques, culturels et sportifs, sans que de tels incidents y soient notés.

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Un incident au mois de janvier dernier avait impliqué à l’aéroport de Munich, l’acteur et ancien Gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, avec les Douanes allemandes. La star planétaire avait omis de déclarer une montre de luxe en atterrissant à Munich, avant de se faire retenir pendant près de trois heures et de s’acquitter d’une amende de 9000 euros afin de poursuivre son voyage. On n’oserait imaginer le zèle dont feraient montre certaines de nos starlettes et autorités, si un tel cas de figure leur arrivait dans des aéroports du continent.

De l’aéroport Blaise Diagne de Dakar, il m’a été donné l’occasion d’assister à des traitements discourtois à l’égard d’officiers de police sénégalais contre lesquels j’ai dû élever la voix dans les files, montrant un certain état d’esprit qui anime certaines personnes en étant aux frontières d’un pays africain. Les plus zélés face aux agents frontaliers de nos pays sont ceux qui, en Europe, en Amérique ou dans le Golfe, sont traités des plus viles manières sans jamais broncher.

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En revenant de Yaoundé avec une correspondance à Abidjan, il nous est une fois arrivé d’atterrir à Diass à une heure de gros trafic. La file d’attente était longue pour passer la police sénégalaise et dans les rangs, des passagers s’amusaient à chahuter dans leurs conversations les Sénégalais pour des lenteurs et des excès dans leurs volontés à contrôler strictement les voyageurs. Certains d’entre eux que j’avais reconnus depuis notre aéroport de départ comme étant particulièrement vocaux, je leur balancerais en m’invitant par effraction dans leur conversation que chez eux, j’ai passé trois heures entre police et douane (la durée de mon vol) ! Ils se tairont et plus de commentaires désobligeants sur le Sénégal.

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Dans un autre voyage, un de ces individus fâchés contre tout, revenait sûrement au Sénégal après quelques pérégrinations de par le monde. A force d’ailleurs, ils reviennent souvent plus grisés et avec des idées plus pâles pour faire et refaire le monde, avec une dose bien assassine de condescendance. Même cas de figure, l’arrivée à Dakar est en fin d’après-midi, il y a quatre vols internationaux en même temps. La file est longue, bien que plusieurs postes soient ouverts. Dans quel aéroport du monde ne perd-on pas un temps au contrôle des frontières, peut-on se demander ? Les commentaires acerbes sont nombreux de la part de ce monsieur qui se fait un chantre du fonctionnement consciencieux et ne se gêne pas à chaque détour de cracher sur le Sénégal. Un officier de police sénégalais viendra avec sa liste de marins devant rejoindre au plus vite leur vaisseau accosté à Dakar. Il tentera de les identifier dans les files, malgré des problèmes de communication avec ses documents en main, pour en tirer cinq du lot. C’est ce qu’il ne fallait pas faire, notre concitoyen à cheval sur les principes trouvera son quart d’heure de gloire pour crier à l’injustice et au traitement inéquitable entre des étrangers qu’on respecte mieux que les fils du pays.

Son vacarme me titillera et son insolence face aux officiers sénégalais pour lui répondre qu’il vient d’autres horizons où il n’oserait jamais se comporter de la sorte devant des officiers dans l’exercice de leurs fonctions. Il jouera la carte de la grande gueule et de la victime face à des gens qui se plient malgré des abus des Forces de l’ordre, je lui soulignerai le ridicule de sa démarche et sa quête stupide d’attention. Les mots gras fuseront entre nous, des officiers s’interposeront entre nous pour calmer et surtout clarifier le fondement de leur acte. Des passagers qui s’étaient joints à son concert hypocrite se ravaleront, après avoir descendu en règle le Sénégal et sa police, pendant une dizaine de minutes.

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Tout ça pour dire qu’il y a toujours une attitude condescendante et hostile avec laquelle débarquent certains passagers à Dakar et tout officier de la police des frontières serait en plein droit de leur refuser l’entrée dans le pays et de les expulser, s’ils refusent de se conformer aux demandes régulières qui leur sont faites. Nos douaniers font également face à beaucoup de zèle de passagers pour des contrôles de routine que ceux-ci acceptent volontiers dans tous les aéroports du monde.

Le ministre des Affaires étrangères de la République de Guinée, Morissanda Kouyaté, qui était monté au créneau au début de la controverse pour proposer au couple de porter plainte avec l’aide de leur ambassade à Dakar, mettra beaucoup d’eau dans son vin. Il demandera un réglement à l’amiable au couple après les explications reçues des services sénégalais, tout en acceptant des erreurs commises par le couple d’artistes comme le refus d’obtempérer et l’outrage aux agents. Il poussera le bouchon dans un sens qui rassure davantage sur le professionnalisme des services sénégalais et qui donne une idée sur une logique hostile avec laquelle certains arrivent à Dakar, en invitant ses compatriotes «à rester calmes au cours de leurs voyages et à éviter les altercations avec les Forces de l’ordre et les douaniers».

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Ironie de l’histoire, l’un des derniers actes posés par ce ministre des Affaires étrangères dans sa fonction sera sur cette affaire Soul Bang’s. Son gouvernement fera les frais de la toute-puissance d’un bras présidentiel. Le chef de la Transition dissoudra le gouvernement, fera geler les comptes de ses ministres et saisir leurs véhicules de fonction. Nos artistes et célébrités qui ont profité de cette épisode pour insulter sans aucune honte la police sénégalaise et chahuter davantage le Sénégal, cette si douce dictature, apprécieront un tel geste puisque «combattre pour la démocratie» est la musique du moment.

Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn