Le réalisateur sénégalais, Moussa Sène Absa, magnifie la résilience féminine qui triomphe des traumatismes sociaux, dans son dernier long métrage fiction intitulé Xalé, les blessures de l’enfance, lequel traite des problèmes d’une jeunesse «violée», en même temps qu’il met en exergue la violence faite aux femmes. Ce film a été présenté, mardi, à la Cité de la culture de Tunis, dans le cadre de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc). Une première africaine pour ce long métrage en lice pour le Tanit d’or, récompense suprême de ce festival. Il raconte la vie de Awa, violée par son oncle, Atou­mane, à l’âge de douze ans, brisant le rêve d’une future intellectuelle qui, finalement, se limite à gérer un salon de coiffure et à élever sa fille, fruit de ce «crime». Le film brosse aussi la vie d’autres personnages, des «femmes fortes» qui, malgré les traumatismes, arrivent à s’en sortir, à l’image de Fatou, une femme battue dont le personnage est interprété par l’actrice Rokhaya Niang.

Pour Moussa Sène Absa, Xalé, les blessures de l’enfance se veut un hommage à la femme qui se bat au quotidien.

«C’est un conte moderne où j’aborde comme un fil rouge, les problèmes de la jeunesse, mais aussi ceux de la société», a dit le réalisateur, qui a eu droit à des applaudissements nourris à la fin de la projection de son film.
Comme à son habitude, Moussa Sène Absa raconte cette histoire avec une ramification vers d’autres petits récits, le tout accompagné par des airs traditionnels chantés en a capella par des griottes. Le réalisateur met aussi en exergue à l’écran, tout le talent reconnu des Frères Guissé, acteurs et chanteurs. «J’aime être dans la foule porteuse de voix, de récit», lance Moussa Sène Absa, qui dit avoir toujours été accompagné pendant son enfance, par des «voix belles et fortes». «Je suis d’une tradition orale très forte, je viens d’une famille griotte», ajoute le réalisateur dont le film, par le biais d’un récit contemporain, tente une traduction en image de «la mythologie du sacrifice, de la purification, de la punition». Il s’appuie pour cela sur des femmes chanteuses habillées parfois en blanc caftan, parfois en rouge, selon le contexte. Ce faisant, Moussa Sène Absa suggère un règlement à l’ancienne des problèmes sociaux au sein de la communauté, «laver le linge sale en famille», comme on le dit communément.
Xalé, les blessures de l’enfance se traduit aussi par un discours éminemment politique, quand par exemple un des acteurs, s’adressant à son père pour justifier son départ vers l’Europe, soutient que «les politiciens ont gâché le pays». «C’est le discours de tous les jeunes, estime Moussa Sène Absa. Je n’ai rien écrit de cette phrase. On l’entend à longueur de journées, c’est comme un chœur», insiste-t-il.

Le décor de Xalé, les blessures de l’enfance renvoie à celui des précédents films de Moussa Sène Absa, qui s’inspirent de quartiers tels que Yarakh ou Bel Air. Comme cela se voit dans Tableau ferraille (1997) ou Madame brouette (2002).
Le réalisateur filme aussi le vieux bâtiment de Sébi-Ponty, «les ruines de l’Afrique», un endroit qui a vu défiler les grands intellectuels du continent africain, un parti pris qui donne un caractère socio-politique à son film.
Le nouvel long métrage de Moussa Sène Absa a obtenu la plus grande part de son financement du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle du Sénégal (Fopica) et du Fonds de soutien à l’industrie cinématographique de Côte d’Ivoire. Ce film, déjà projeté à Londres et à New-York, sera découvert par le public dakarois le 15 novembre prochain.
APS