Dans les multiples arcanes de la vie du Dr Ibra Mamadou Wane, le Pr Ibrahima Wane, son neveu de biographe, aura retenu des leçons de vie. La cérémonie de présentation de l’ouvrage qu’il lui consacre a été aussi un moment d’exaltation des valeurs de cet homme. Des valeurs que partagent d’autres illustres figures du pays que le Pr Wane invite à immortaliser entre les pages d’un livre.

 

Le Dr Ibra Mamadou Wane a été célébré ce samedi. Son neveu, Ibrahima Wane, professeur titulaire de littérature et de civilisations africaines à l’Ucad, lui a rendu un vibrant hommage à travers son ouvrage Dr Ibra Mamadou Wane. Les secrets d’un serviteur. Cet ouvrage de plus de 200 pages est un miroir qui promène sur la vie et l’œuvre de cet illustre homme, dépositaire d’un héritage culturel très fécond. En fait, ce médecin fait partie de la génération des jeunes Sénégalais qui ont parachevé leurs études dans l’Hexagone au milieu du 20e siècle. Auréolé d’un diplôme de docteur d’état en médecine de l’Université de Montpellier en France, le Dr Ibra Mamadou Wane, qui fut membre fondateur de la Fédération des étudiants d’Afrique noire de France (Feanf), est revenu au bercail à la veille des indépendances pour participer à la construction nationale. Ainsi, il s’est engagé dans la scène politique où il a occupé d’importantes responsabilités comme ministre de l’Education nationale, ministre de la Culture, de l’Energie et de l’hydraulique. Le neveu et les membres de sa famille ne veulent pas que ce passé élogieux du Dr Ibra Mamadou Wane tombe dans l’oubli. «J’ai produit ce texte et les membres de ma famille m’ont dit : «Tu as fait ton texte, mais nous allons aussi écrire nos pages.» Chacun s’y est mis et s’est dépensé en temps, en énergie, mais aussi en mobilisant ses relations», raconte l’auteur, le Pr Ibrahima Wane.

Cérémonie de dédicace : Pr Ibrahima Wane revisite les pages de la vie de Ibra Mamadou Wane

Selon le responsable du laboratoire de littérature, langues et sciences d’Afrique de la Faculté des lettres, cet engagement a une explication. «C’est parce que chacun des membres de la famille se rappelle de ce que le Dr Ibra Mamadou Wane nous a dit pendant toutes ces dernières années et redit avec la plus grande solennité, presque, sur son lit de mort. L’unité et la solidarité au sein de la famille. Voilà ce qu’il nous a laissé comme message. L’autre raison, c’est que chacun de nous rivalise avec l’autre en termes d’amour pour sa personne parce qu’il a donné à chacun de nous individuellement et pendant longtemps de l’amour.»

«Ecrivez sur ces personnes !», l’invite aux chercheurs
Aujourd’hui, écrire ce livre pour le professeur Wane, ce n’est pas seulement écrire l’histoire de l’homme. Mais c’est plutôt garder sa mémoire. Raison pour laquelle il invite ses amis chercheurs à écrire sur ces personnalités qui foisonnent dans le pays et qui ont écrit de belles pages de son histoire.

«Ces parts de mémoires éparpillées construisent l’histoire une fois rassemblées. Quand vous écrivez votre propre histoire avec toutes les défaillances, les autres vont s’en saisir. Les historiens vont s’en saisir pour faire l’histoire. Les artistes vont s’en saisir. Et c’est comme ça que la grande histoire se construit. Construire une histoire à partir du Dr Ibra Mamadou Wane, c’est parler de beaucoup de gens. Je parle de lui, mais je cite énormément de personnes. C’est pour dire à mes amis chercheurs, au nom de ces familles-là, écrivez sur ces personnes ! Ecrivez sur Me Babacar Seye qui a été son maître au Cm2. Mais les gens ne connaissent Me Babacar Seye que par rapport aux évènements de 1993. Pourtant c’était un brillant enseignant qui a aussi fait ses études de Droit en France pour devenir l’un des plus brillants avocats du Sénégal. Il fut maire de Saint-Louis de 1953 à 1960. Et écrire son histoire, c’est écrire une partie de l’histoire de Saint-Louis du Sénégal. Il y a des hommes dont nous avons besoin en termes de valeur et de référence. J’ai fait quelques pages sur ces hommes pour dire qu’il y a suffisamment de matière. J’ai parlé de Alioune Sène, ministre de la Culture du Sénégal de 1970 à 1978. J’ai parlé de Douta Seck, le parrain de cette maison de la culture. Le monde entier connait Douta Seck. Mais quel Douta Seck ? Quand il faisait le Roi Christophe en 1946, il avait 47 ans. Il a fait beaucoup de choses avant. Il est passé par Ponty dont il est diplômé comme Abdoulaye Sadji et Birago Diop. Il a été instituteur pendant 6 ans à Ziguinchor et à Dakar. Il est allé à Paris où il a fait 5 ans d’études en architecture avant de faire de la musique et du théâtre. Au moment où Ibra Mamadou Wane était président de la Feanf, Douta Seck venait faire des spectacles parce qu’il était déjà dans le théâtre. On doit aussi écrire sur Seydou Nourou Tall, une figure emblématique de ce pays, ainsi que El Hadji Baba Diongue. Pour moi, ce sont des personnages extrêmement importants sur lesquels il faut écrire pour faire notre histoire», a proposé Ibrahima Wane qui pense avoir écrit ce livre pour transmettre aux générations futures un patrimoine culturel.
Par Justin GOMIS – justin@lequotidien.sn