Ecrivain, Professeur agrégé en économie, Africain, Samir Amin est décédé hier à Paris à l’âge de 87 ans. Militant infatigable de la lutte contre l’impérialisme, il était le président du Forum du tiers-monde basé à Dakar.
Avec la disparition de l’économiste égyptien Samir Amin, l’Afrique vient de perdre un théoricien des échanges inégaux, ainsi que l’un des fondateurs de l’Altermondialisme. Né au Caire d’une mère française et d’un père égyptien, ce grand intellectuel est mort hier à l’âge de 87 ans à Paris. D’origine bourgeoise égyptienne, il a embrassé dès son plus jeune âge la cause des opprimés, au point d’adhérer très tôt au Parti communiste en France qu’il finira par quitter sur le tard.
Professeur d’économie, connu pour son engagement sur les questions liées à la lutte contre l’impérialisme, Samir Amin était le président du Forum mondial des alternatives (Fma) et directeur du Forum du tiers-monde à Dakar. A ce titre, il intervenait souvent sur les questions comme l’aide occidentale destinée aux pays africains et le franc Cfa. L’un de ses ouvrages majeurs, Le développement inégal, publié dans les années 70, a fini par asseoir sa réputation de grand économiste anticapitaliste. Il y a popularisé la théorie du développement du capitalisme en un centre où l’appareil de production s’est développé, et où le prolétariat se transforme progressivement en classe moyenne, et qui s’oppose aux périphéries d’où sont extraites les matières premières, mais dont la classe ouvrière ne peut accéder à l’autonomie matérielle.
Un des pères fondateurs de l’Altermondialisme, Samir Amin, dans une interview accordée à Rfi en 2017, parlait des nouvelles formes d’impérialisme qui «s’expriment par la conditionnalité». Il soutenait : «Ce que l’on appelle l’aide occidentale, les soi-disant donateurs, les Etats-Unis, les pays européens, l’Union européenne, le Japon et leurs instruments internationaux imposent aux pays africains la conditionnalité, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent accéder au marché mondial qu’à la condition d’accepter que leur politique nationale soit soumise aux principes du libéralisme, à savoir la privatisation de toutes les activités économiques, les services sociaux, l’ouverture incontrôlée au capital, etc.» Il déclarait dans cet entretien que «les Occidentaux prétendent que les pays qui accepteraient ces règles se verraient bénéficier d’un apport de capitaux gigantesques qui permettraient leur développement. Ce n’est pas le cas. Pour lui, cela donnait plutôt «la possibilité du pillage des ressources naturelles du continent africain, non seulement le pétrole et le gaz, mais également les nouvelles ressources naturelles que sont la terre agricole et, on peut dire, l’eau et l’air». Cette interview ainsi que son abondante production intellectuelle démontrent que pour l’homme, la lutte contre l’impérialisme ne souffrait d’aucune forme de retraite ou de repos. Avec sa disparition, d’autres militants devront certainement poursuivre son combat.
L’économiste Demba Moussa Dembélé, président de l’Ong Arcade, qui a été l’un de ses plus proches collaborateurs au sein du Forum social mondial (Fsm) et du Forum du tiers-monde, a déclaré hier, à l’annonce de sa mort, que «la disparition du Pr. Samir Amin est une perte immense pour l’Afrique et le monde. Durant plus de 60 ans, il a été aux côtés des Peuples du sud pour leur libération du joug colonial, de l’oppression capitaliste et de la domination impérialiste. Arcade et ses membres sont fiers d’avoir été des compagnons du Pr. Samir Amin».
Au mois de mars dernier, il nous avait encore fait l’honneur de célébrer le bicentenaire de Karl Marx lors d’un «Samedi de l’économe» spécial, organisé à cette occasion.
dkane@lequotidien.sn