Par Abdoulaye KAMARA-

 A l’origine, Birkama était un village du groupe ethnique baïnounk. Il était même leur capitale administrative, coutumière et politique.
Un royaume qui s’étendait jusqu’en Gambie et en Guinée-Bissau (chaque pays a un village qui porte le même nom (Birkama)). Toutes ces localités obéissaient au roi Ghana Sira Banna qui résidait dans le Birkama du Sénégal. Animiste, ce roi aimait consulter les oracles sous ces mêmes arbres qui sont devenus plusieurs années plus tard «Mbou na Senghor». Ainsi, annuellement, des filles natives du royaume devaient être tuées en offrande aux génies protecteurs pour perpétuer son règne. Ainsi, une année, selon la légende, cent (100) filles devaient passer par le couteau pour plaire aux génies et sauver le trône de Ghana Sira Banna contre de futurs envahisseurs, du groupe ethnique balante plus précisément. Une prédiction qui révolta les femmes, excédées déjà par le nombre de filles qui ont déjà disparu par la seule volonté de leur roi.
Ainsi, raconte-t-on, les femmes du royaume s’organisèrent à l’insu de leurs époux et ont décidé, à l’échelle de tout le royaume, de ne plus sacrifier à leur devoir conjugal jusqu’à ce que le roi renonçât à cette décision ou fût destitué. Un mot d’ordre qui a eu le bonheur d’avoir l’assentiment des femmes de tout le royaume.
De bouche à oreille, tous les hommes se rendirent compte qu’ils étaient boycottés au lit par leurs épouses, la nuit tombée. Ainsi, ils cherchèrent à en connaître la cause. La cause connue, les hommes ont alors décidé de se débarrasser de leur roi pour avoir accès à leurs épouses. Les hommes, ragaillardis par la hardiesse et la ténacité des femmes, ont ourdi un complot mortel contre le roi Ghana Sira Banna. Alors qu’une réception est organisée à l’intention du roi, les hommes l’ont installé, avec la reine, sur des chaises posées sur un trou couvert de lattes fragiles. Aussitôt assis, ils se sont retrouvés au fond du gouffre. Et puis l’on commença à leur jeter des pierres pour les achever. Ensuite, poursuit la légende, le roi Ghana Sira Banna interrompit de sa main l’avalanche de cailloux pour parler à la communauté. «En venant en ce lieu, j’avais pressenti ce coup. Je vous informe que ma fin sera la fin du royaume, de la communauté baïnounk, et notre langue, le baïnounk, va progressivement disparaître.» Malgré cette sentence, les coups ont continué à pleuvoir sur leurs têtes jusqu’à ce que mort s’en suivit et le trou refermé sur les 2 illustres corps. Les prédictions du roi se réalisèrent, selon toujours la légende. Les Balantes ont repris le village et le peuple baïnounk a complètement quitté le Balantcounda. Ceux qui sont restés ne s’identifient plus à l’ethnie baïnounk.
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