Entre l’excision, les éléments, l’esclavage ou l’exploration de nos imaginaires, les 6 artistes béninois et la gabonaise, qui prennent part à l’exposition «Essence et Résilience» qu’abrite le siège d’Innov Africa, ont donné leur contribution au thème de cette année, «I Ndaffa #» (Forger).Par Mame Woury THIOUBOU
– La scène se passe de mots. En pleine forêt tropicale, deux jeunes femmes sont assises à même le sol, jambes écartées. Une matrone officiant entre celles-ci pour leur faire subir une excision. L’image a été découverte par l’artiste gabonaise, Owanto, dans des affaires appartenant à sa famille. Choquée et interpellée par cette pratique, elle s’empare de ces images d’un autre temps certes, mais qui documentent une pratique encore en cours, pour la déconstruire et la dénoncer. «En tant que femme et mère, et en tant qu’artiste, je comprends que ces choses qui sont tombées dans mes mains ne sont pas là par hasard. Au lieu de les retourner dans le tiroir de l’oubli, je décide de les révéler au grand public», raconte l’artiste dont la participation à l’exposition Essence et Résilience qu’accueille le siège d’Innov Africa, sur une initiative de la fondatrice de la chaîne Edan, tourne autour de ce fléau qui touche encore 200 millions de femmes à travers le monde. Pendant le temps de la biennale, ce parcours off réunit, en un même lieu, 6 artistes béninois et une gabonaise. Cette dernière a axé son travail sur la dénonciation de l’excision. Des installations visuelles et sonores et des tableaux pour apporter plus de forces à toutes ces voix qui disent «Non à l’excision» en 24 langues. L’artiste Owanto propose ainsi une démarche en plusieurs actes intitulée Flowers. Sur Flowers V, une toile monochrome en rose, au centre de laquelle une belle fleur attire l’attention. «Ces fleurs en porcelaine froide représentent la beauté, la fragilité et la renaissance de la femme. C’est une invitation à regarder et résoudre ce problème», souligne-t-elle. «Flowers est une excursion sensible dans le monde féminin de l’excision. Elle transcende l’expérience douloureuse de l’ablation, en magnifiant le corps soustrait de la femme avec ces fleurs en porcelaine posées sur le visage en souffrance ou sur les parties génitales mutilées. Ces fleurs délicates incarnent la beauté́, la douceur, la renaissance et la résilience», écrit à ce propos l’initiatrice de l’exposition, Eveline Diatta-Accrombessi.
A côté de cette proposition de l’artiste gabonaise, 6 artistes béninois, Julien Sinzogan, Dominique Zinkpe, Eliane Aisso, Eric Mededa, Soniart et Tchif, ouvrent leur imaginaire sur des tableaux ou sculptures. Sur la série que Zinkpe présente, entre sculpture et proposition picturale, l’artiste a axé son travail sur des questions existentielles. «L’âme et l’esprit ressembleraient à quoi ? Sur mes peintures, je cherche à m’approcher de cela puisqu’une photographie ne pourrait pas le faire. Mais moi, avec mes peintures, je cherche à accéder à cela», explique l’artiste en face d’une de ses toiles.
Cette réflexion sur l’identité africaine se retrouve dans chacune des œuvres présentées dans cette exposition. Quand Tchiff propose une symphonie de couleurs dans un travail axé sur les éléments, la jeune Soniart documente sa vie quotidienne, tandis que Sinzogan remonte le temps pour évoquer cette blessure encore béante qu’est l’esclavage. Au total, ces 7 artistes proposent un parcours authentique et diffèrent sur l’identité africaine, mais installent également des ponts entre les pays.
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