«Qu’on me laisse gouverner…»  En invitant le président de la République à lui octroyer les pleins pouvoirs, le Premier ministre est servi en mettant à des postes-clés des ministres qui lui sont dévoués, notamment à la Justice et à l’Intérieur.
Par Malick GAYE –

 C’est un signal que l’opposition ne manquera pas de bien analyser. Au Sénégal, pour obliger le gouvernement à abonder dans un sens, il faut utiliser les réseaux sociaux. C’est la principale information à retenir de l’ajustement de l’équipe gouvernementale. En effet, Jean-Baptiste Tine et Ousmane Diagne ne diront pas le contraire. Les réseaux sociaux ont finalement obtenu leur peau. Une lenteur dans le traitement des dossiers des 80 morts et une trop grande liberté des partisans de l’ancien régime sont les reproches faites aux désormais anciens ministres de la Justice et de l’Intérieur. Ainsi, Yassine Fall, qui était aux Affaires étrangères, va maintenant gérer le département de la Justice. Me Bamba Cissé va diriger le ministère de l’Intérieur.
Bien sûr, ce casting a été bien validé par le Président Bas­sirou Diomaye Diakhar Faye. Mais, le signal fort envoyé est de «pastéfiser» le pouvoir en écartant les visages moins «avenants» pour les militants.

En dégommant un magistrat, qui a «refusé de mettre la pression sur ses pairs», pour un «gros calibre» capable de chiffonner l’image d’un ancien président de la République, attaqué dans un avion par un Sénégalais, Diomaye cautionne un virage à 360 degrés de la nouvelle doctrine gouvernementale. Désormais, Yassine Fall sait ce qu’elle doit faire pour perdurer à la tête du département de la Justice. En attendant, le Premier ministre a été clair : il va falloir rendre justice et réformer ce département pour le réconcilier avec les Sénégalais, tout en restaurant la confiance des citoyens. Des directives que Ousmane Diagne avait déjà reçues. Seulement, l’ancien procureur de la République ne semble pas aussi malléable que certains. Il a toujours assumé ses positions et a été prudent sur les questions aux relents politiques, même si la répression des voix critiques a été très forte ces 18 mois. Sa prise de parole, lors de la conférence de presse sur les chiffres maquillés, est encore fraîche dans la mémoire collective. Qu’est-ce qui est reproché à Ousmane Diagne ? C’est une question à laquelle seul Ousmane Sonko pourra apporter une réponse. En nommant Yassine Fall à la Justice, le Premier ministre peut être persuadé qu’il n’aura pas une forte tête face à lui sur certains sujets. Quant à l’ex-cheffe de la diplomatie, elle doit certainement mesurer l’attente placée en elle, surtout sur l’affaire Mame Mbaye Niang contre Ousmane Sonko. Le Premier ministre est certain que le dossier doit être rouvert, surtout qu’il scelle son destin présidentiel.

Me Bamba Cissé pour faire la sécurité 
Me Bamba Cissé, l’avocat de Ousmane Sonko, qui a mené toutes les batailles judiciaires pour l’ex-opposant, a été bien récompensé. Il hérite du très stratégique ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique. Il remplace Jean-Baptiste Tine, à qui les réseaux sociaux reprochent de laisser une trop grande liberté aux figures de l’ancien régime. Le désormais ancien avocat de Sonko sait au moins ce qui a été à l’origine du départ de son prédécesseur. Va-t-il satisfaire la clameur populaire ? Bassirou Diomaye Faye, en acceptant la proposition de Sonko, semble se mettre en retrait pour laisser à son Pm la mainmise sur l’action gouvernementale.
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