La ville de Thiès traverse une période marquée par une recrudescence préoccupante des actes de violence et d’agression, qui installent progressivement un climat d’insécurité et de peur chez les populations. Face à cette montée brutale de la criminalité urbaine, le maire de la ville, Dr Babacar Diop, a lancé un appel solennel à l’Etat et aux Forces de sécurité pour le renforcement du dispositif de sécurité dans la Cité du Rail.Par Cheikh CAMARA – 

Ce mardi, le maire de Thiès s’est rendu au quartier Darou Salam pour présenter ses condoléances à la famille de feu Ndoumbé Ndiaye, tuée lors d’une agression violente. Une visite empreinte de compassion, mais aussi de détermination. Ce drame, selon lui, est le symbole d’une situation qui devient insupportable pour les habitants. «Ce meurtre nous interpelle tous. Thiès est en train de devenir une ville dangereuse, avec un taux de criminalité alarmant. Si rien n’est fait, l’insécurité va s’enraciner et briser le tissu social», a-t-il déploré. Il a également rappelé que d’autres faits d’une extrême gravité ont récemment secoué la ville : Assane Sarr, un vendeur de conteneurs, violemment cambriolé à son domicile avec un butin de sept millions de francs Cfa, et un jeune conducteur de moto Jakarta brûlé vif à quelques mètres du Lycée El Hadji Malick Sy, en pleine zone urbaine.

Pour le maire, ces violences répétées ne relèvent plus du simple fait divers. Elles traduisent une tendance lourde : l’incapacité du système sécuritaire actuel à faire face à l’explosion démographique rapide de la ville. Avec seulement deux commissariats et trois postes de police pour une population de près de 500 000 habitants, la sécurité publique repose sur un dispositif manifestement dépassé, incapable de couvrir efficacement l’ensemble du territoire communal. «Le niveau de développement de Thiès n’est plus en phase avec les moyens alloués à sa sécurité. La ville a grandi, elle s’est étendue, elle s’est densifiée. Mais les effectifs de police, eux, sont restés les mêmes. Cette réalité est intenable», a-t-il martelé.

Dans ce contexte, Dr Babacar Diop a annoncé l’envoi d’une correspondance officielle au Directeur général de la Police nationale pour solliciter un renforcement immédiat des effectifs, la création de polices d’arrondissement, la réorganisation des zones de couverture et l’adoption d’une nouvelle doctrine de sécurité urbaine adaptée aux réalités de Thiès. Il a également souligné l’urgence de mutualiser les compétences entre la police et la gendarmerie dans certaines zones de la ville, notamment les quartiers périphériques. De nombreux secteurs, bien qu’administrativement rattachés à des communes voisines comme Fandène, sont en réalité intégrés dans le tissu social et économique de Thiès. Cette ambiguïté, selon le maire, crée un flou dans la gestion de la sécurité, où les responsabilités sont partagées sans coordination ni efficacité.

Face à cette situation, le maire plaide pour une sécurité plus ancrée dans les territoires, portée à la fois par les Forces de l’ordre et les citoyens. Il appelle à renforcer la police de proximité, à mettre en place des patrouilles mixtes entre la police et la gendarmerie, mais aussi à relancer les comités de vigilance de quartier. «La sécurité ne peut être assurée par l’Etat seul. Elle commence dans les foyers, dans les rues, dans les quartiers. Les populations doivent s’organiser, dénoncer les trafics, signaler les comportements suspects. Il faut sortir de l’indifférence», a-t-il lancé.

Abordant une autre dimension du problème, le maire a évoqué la complexité croissante du tissu social thiessois, marqué par une forte dynamique migratoire. Des communautés entières venues de pays voisins s’installent à Thiès, parfois dans des conditions précaires, souvent dans des zones en marge du contrôle administratif. Dr Babacar Diop a tenu à aborder cette réalité avec responsabilité et lucidité : «Je ne veux pas stigmatiser, mais il faut être lucide. Thiès est une ville ouverte, elle a toujours été un carrefour africain. Mais nous devons anticiper les déséquilibres. Certains flux migratoires en provenance de zones instables peuvent entraîner des défis sécuritaires nouveaux. Nous devons rester fidèles à notre tradition de teranga, tout en garantissant la sûreté publique.»

Parallèlement aux solutions institutionnelles et citoyennes, le maire de Thiès a insisté sur l’importance de l’environnement urbain dans la prévention de l’insécurité. Il a réaffirmé son engagement à poursuivre et renforcer le programme de modernisation de l’éclairage public, lancé il y a trois ans. Pour lui, la lumière est un outil puissant de transformation sociale et de sécurisation de l’espace public. «L’éclairage crée la vie. Il repousse la peur, stimule l’économie de nuit, favorise les rencontres. Sans lumière, les quartiers s’éteignent, la vie se replie et l’insécurité gagne», dit-il.

Le quartier Darou Salam, avec ses plus de 6000 ménages, a été le premier à bénéficier de ce programme. Mais pour le maire, cela ne suffit pas. Il décrit un quartier densément peuplé, mais privé d’espaces publics, de lieux de loisirs, de centres culturels ou sportifs. «Quand les jeunes n’ont pas où aller, quand les familles vivent dans l’isolement, on crée malgré soi un terreau pour la violence. L’éclairage est un début. Mais nous devons aller plus loin : bâtir des lieux de vie, renforcer la proximité, créer des espaces de respiration sociale», poursuit-il.
Dr Babacar Diop appelle à un sursaut collectif. L’Etat, les Forces de sécurité, les collectivités territoriales voisines, les organisations communautaires et les citoyens doivent agir ensemble, sans délai. Pour lui, ce qui se joue aujourd’hui à Thiès, ce n’est pas seulement la réponse à une série d’agressions, c’est la capacité d’une ville dynamique et ambitieuse à préserver sa cohésion, sa sécurité, sa paix civile. «Thiès mérite mieux. Thiès mérite d’être protégée. J’en fais un combat prioritaire.»
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