La question de l’accès de l’état civil a été, ce jeudi, au cœur des discussions entre haut-conseillers lors de la quatrième session ordinaire de l’année 2023. Le constat fait est que les Sénégalais ont toujours des difficultés à accéder à ces documents. D’où la nécessité de dématérialiser ce système pour notamment faciliter sa conservation et la délivrance de ce document. Par Alpha SYLLA –

Malgré la panoplie de textes consacrés à l’identité, la question reste problématique au Sénégal, comme partout ail­leurs sur notre continent. Selon les études réalisées en 2019 par l’Unicef, un enfant sur cinq n’est pas enregistré à l’état civil dans notre pays. Et sans surprise, le monde rural traîne encore plus le pas. «Les régions où le taux d’enregistrement des naissances à l’état civil est faible sont pour la plupart celles situées au Sud du pays. Globalement, le taux d’enregistrement des naissances à l’état civil est estimé à 77, 4% au niveau national (79, 1% pour les garçons et 75, 7% pour les filles)», note un document rendu public par le Haut-conseil des collectivités territoriales.

Chaque année, ce sont des milliers d’enfants, du primaire au secondaire, qui ratent les épreuves/tests, faute d’extrait de naissance. Une problématique qui incombe la mobilisation de tous, avec au premier plan les institutions de la République. Ce jeudi 9 novembre, le Haut-conseil des collectivités territoriales s’est réunie à l’occasion de la quatrième session ordinaire de l’année 2023 pour se pencher sur la question de l’accès aux actes d’état civil. Faire le point et discuter sur les enjeux de l’état civil au Sénégal. Le thème proposé lors de cette session est «l’enregistrement et l’exploitation des faits d’état civil, un défi majeur pour le développement territorial». Dans son discours, la présidente de l’institution, Mme Aminata Mbengue Ndiaye, a rappelé que «les pouvoirs publics se voient chargés d’organiser la constatation des faits d’état civil dont les principaux ont trait à la naissance, à la situation matrimoniale ainsi qu’au décès de l’individu, et de dresser les actes s’y rapportant».

Dans ce sillage, la directrice des Relations avec les institutions, Seynabou Mbaye, a, quant à elle, fait le point de la situation de l’enregistrement des naissances, notamment en milieu rural. «Au-delà d’être un droit, l’état civil joue un rôle important dans la promotion de la citoyenneté et du droit à l’éducation et à la santé. En milieu rural, plusieurs milliers d’enfants ne disposent pas d’acte de naissance, ce qui pourrait les priver de leurs droits fondamentaux ayant un impact sur l’économie de nos pays en voie de développement, car il est attesté que la pauvreté est plus marquée chez les adultes qui n’ont pas fréquenté les systèmes éducatifs.»

«Nous sommes confrontés à des problèmes culturels, de moyens, d’opportunités… Et tous ces problèmes posent in fine des questions sur le développement territorial. Parce que cela fausse quelque part les visions, la confection de documents de planification et les données sur lesquelles les collectivités doivent s’appuyer pour définir effectivement des objectifs de développement», affirme Professeur Mawloud Diakhaté, président de la Commission n°1 du Haut-conseil des collectivités territoriales. Et d’ajouter : «L’état civil n’est pas un fait banal, de déclarer la naissance de quelqu’un, son état civil, marié ou célibataire, ses enfants ou sa mort. L’état civil est un véritable instrument qui entre en ligne de compte dans la viabilité de tous les actes posés par les collectivités territoriales. Qui ne sait pas se compter, qui ne sait pas se mesurer l’évolution de sa population, se trompe bien entendu dans ses orientations, dans ses actions, notamment les infrastructures qu’on doit mettre en place de façon permanente pour prévoir les évolutions.» La grève des travailleurs des collectivités territoriales avait donné une idée de l’importance de l’état civil dans la vie de tous les jours. L’accès à l’état civil reste plombé par un bon nombre de facteurs. Des problématiques d’enregistrement, liés aux ruptures de dotation en registres d’état civil, les doubles emplois de numéro d’enregistrement de naissance et le recyclage d’actes dont les titulaires sont décédés et les inscriptions fictives. «Le problème de l’état civil et sa fiabilité demeurent toujours une actualité au Sénégal. Chaque année, des milliers d’enfants, et en particulier des élèves, surtout candidats à différents examens et concours, sont recalés à cause de problèmes de bulletin de naissance ou du fait de faux actes», informe un document.

Digitalisation
Face à ce tas de problèmes, la solution semble être la mise en place d’une banque de données fiable. Une politique que l’Etat du Sénégal entend massifier à travers les programmes de dématérialisation. Par une informatisation des systèmes d’état civil et une transmission électronique des copies et extraits d’actes de naissance. Une aubaine pour les collectivités, l’Etat et même les administrés qui pourraient effectuer en ligne certaines démarches administratives ou se faire délivrer facilement des actes. «Cela nous permettra d’arriver à un rattrapage et une mise à niveau des collectivités territoriales, surtout les communes dites rurales qui ont beaucoup de problèmes pour avoir un état civil viable», dit M. Diakité. Ceci permettra d’alléger aussi le budget alloué à ce service, qui reste quand même coûteux pour certaines communes. Et d’octroyer plus de liberté aux populations qui ne feront plus de gymnastique entre leur domicile et le centre principal ou secondaire d’état civil.