Le secteur de la pharmacie, notamment celle hospitalière, fait face à de nombreux défis comme l’innovation et la souveraineté pharmaceutique. Lors du 2ème Congrès de la pharmacie hospitalière de l’Afrique, il a été surtout question de maîtriser toute la chaîne de distribution des médicaments. Par Alioune Badara CISS –

La deuxième édition du Congrès de la pharmacie hospitalière de l’Afrique, tenue ce week-end à Mbour, a étalé des enjeux cruciaux pour la santé publique, notamment l’amélioration de la disponibilité des médicaments, la gestion optimisée des produits anticancéreux et le rôle capital du pharmacien hospitalier. Cette rencontre, parrainée par la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna), a réuni des professionnels de neuf pays africains francophones, ainsi que des experts européens. Au cœur des discussions, l’engagement de la Pna à soutenir les hôpitaux a été souligné. Dr Seydou Diallo, Directeur général de la Pna, a insisté sur la mission régalienne de sa structure : «Il s’agit de l’approvisionnement, du stockage et de la distribution de médicaments à travers tout le pays. Là où le besoin se fait sentir, on a l’obligation de rendre les médicaments disponibles et accessibles.» Il a précisé que la Pna considère les hôpitaux comme son «client premier». Dr Diallo a réitéré la volonté de garantir qu’un malade entrant à l’hôpital rencontre une «zéro prescription» non satisfaite, mettant fin au marathon des ordonnances. «A travers les pharmaciens hospitaliers, on veut rendre disponibles tous les médicaments d’urgence, tous les médicaments essentiels pour le bien-être de nos patients», a-t-il souligné.
Une innovation majeure présentée lors du congrès concerne la gestion des médicaments anticancéreux, souvent subventionnés par l’Etat. Dr Mor Fall, président des pharmaciens hospitaliers du Sénégal, a mis en évidence le problème des pertes importantes, estimées entre 12 et 15%, dues aux méthodes de préparation traditionnelles. Pour y remédier, l’accent est mis sur la mise en place des Unités de reconstitution des cytotoxiques (Urc). Ces unités permettraient à l’Etat du Sénégal d’économiser au minimum 15% sur la facture de ces traitements vitaux.
Dr Mor Fall a expliqué l’impact : «Cet aspect pharmaco-économique, c’est vraiment pour accompagner l’Etat, soit pour recruter beaucoup plus de malades, soit diminuer sa facture.»
Ces Urc, ainsi que la pharmacovigilance et la stérilisation hospitalière, constituaient les principaux sous-thèmes du congrès.
La question de la souveraineté pharmaceutique s’est aussi imposée comme un enjeu stratégique. Selon lui, dans la lignée de la Vision Sénégal 2050, l’objectif est d’assurer qu’au moins 50% des médicaments consommés ne soient plus importés. Dr Mor Fall a souligné les efforts de l’Etat pour encadrer et soutenir l’industrie locale, mentionnant qu’«au moins neuf industries pharmaceutiques ont commencé à s’installer au Sénégal». Il a rappelé que cette ambition est essentielle pour contrôler les coûts et la disponibilité des produits, un enseignement tiré notamment de la crise du Covid-19.
Plusieurs intervenants ont soulevé la nécessité d’une reconnaissance et d’une amélioration des conditions de travail des pharmaciens dans le secteur public. Dr Amath Niang, président de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal, a partagé des préoccupations : «Le secteur public est en souffrance. Certains pharmaciens ne disposent même pas de contrat tout à fait digne.» Dr Amath Niang a vivement plaidé pour un nouveau statut, arguant que le pharmacien hospitalier joue un rôle capital, qui va au-delà de la simple gestion du stock. Son expertise est indispensable pour la gestion des incompatibilités, la pharmacovigilance qui est la surveillance des effets secondaires, et l’optimisation thérapeutique. «Tout système de santé qui se veut prospère, devra en fait intégrer davantage la place, le rôle du pharmacien dans la structure hospitalière», a-t-il affirmé, appelant à l’établissement d’un véritable plan de carrière.
Le gouvernement sénégalais a affiché son soutien, notamment par la voix du Dr Samba Cor Sarr, directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’hygiène publique. Il a évoqué les trois réformes majeures en cours, à savoir une nouvelle loi hospitalière, l’écriture du Code de la santé du Sénégal et la mise à jour de la carte sanitaire incluant l’émergence d’hôpitaux de niveau 4. D’ailleurs, il a mis en exergue le rôle essentiel des sociétés savantes dans ces chantiers : «Elles sont là pour que le faible soit soutenu, pour qu’il y ait plus d’éducation.» Il a précisé que le ministère a inscrit une ligne budgétaire dédiée aux sociétés savantes, distribuant déjà plus de 100 millions de francs Cfa, un «appui catalytique pour s’assurer que les politiques de santé s’éclairent des données probantes issues de leurs recherches. Les conclusions vont nous servir au moment où on est en train de procéder à des réformes majeures», se félicite Dr Samba Cor Sarr. Le succès de ce deuxième congrès, après une première édition au Maroc en 2023, témoigne d’une dynamique de coopération «gagnant-gagnant» entre professionnels africains. Des pays comme le Cameroun, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, le Mali et la Guinée étaient représentés, soulignant la volonté des pharmaciens hospitaliers de partager l’expertise et d’harmoniser les pratiques à l’échelle du continent.
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