Le dernier Sommet des dirigeants de la Cedeao a décidé de dispenser les Etats du respect des critères de convergence pour la mise en place de la monnaie unique. Une décision qui entérine un blocage de fait, mais risque aussi de mener à la mise en place d’une monnaie de singe, ou de la repousser aux calendes grecques.
L’Eco verra-t-elle le jour un jour ? Et dans l’affirmative, quelle forme de monnaie pourrait-ce être ? Ces questions sont légitimes quand on voit les difficultés qui émaillent le chemin conduisant à cette nouvelle monnaie. Le communiqué du dernier Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao, tenue le 23 janvier dernier par visio-conférence, sous la présidence du Président ghanéen Nana Addo Dankwa Akufo-Addo a commencé à édulcorer la valeur de cette future devise. On peut lire dans le communiqué la résolution concernant la création de l’Union monétaire qui indique : «La Conférence a pris note de la dégradation de l’état de convergence macroéconomique au sein de la Cedeao en 2020, sous l’effet des mesures prises par les Etats membres pour lutter contre la Covid-19 et relancer leurs économies. Au regard de l’impact prévisible de la deuxième vague de la pandémie sur l’état de convergence macroéconomique en 2021, le Sommet décide d’exempter les Etats membres du respect des critères de convergence macroéconomique au cours de l’année 2021.» A la suite de quoi la conférence des dirigeants de l’Afrique de l’Ouest a demandé à la Commission de la Cedeao de lui soumettre un projet de nouveau Pacte de convergence et de stabilité macroéconomique des Etats membres de la Cedeao, avec date de démarrage le 1er janvier 2022.
L’économiste Demba Moussa Dembélé, dont les travaux sur le Franc Cfa font référence, a ricané en prenant connaissance de cette résolution du Sommet de la Cedeao. Pour lui, il n’y a rien d’étonnant à cela : «Du moment que l’Uemoa, qui se présentait comme la zone la plus vertueuse, a décidé de ne plus respecter ses critères de convergence, et comme le Nigeria ne voulait pas que lesdits critères ne s’appliquent qu’à une partie des Etats comme le voulait Ouattara, il était évident que cela ne pouvait tenir.»
Le président de l’Ong Arcade a rappelé que Ouattara, en annonçant en décembre 2019, en compagnie du Président français Emmanuel Macron, la fin du Cfa et l’entrée en vigueur de l’Eco comme monnaie de l’Afrique de l’Ouest, disait qu’il n’y avait pas besoin de demander aux Etats membres de l’Uemoa de satisfaire individuellement aux critères de convergence pour pouvoir intégrer la nouvelle monnaie, sous le prétexte que les pas de la zone satisfaisaient déjà à ces critères dans le cadre harmonisé de l’Uemoa. Le Nigeria, poids lourd des pays non membres de la zone, ne l’entendait pas de cette oreille, et on était dans une impasse.
Cela fait que, quelque part, le Covid-19 est venu donner un souffle nouveau aux réticences des différents Etats à s’engager dans la voie de l’Union monétaire. La solution maintenant est, soit les pays décident de foncer et de mettre en place un système monétaire commun dont aucun pays ne respectera les critères de convergence, ou ils attendront – indéfiniment – des lendemains meilleurs. Il faut noter que si la France a déjà entériné, à travers son Parlement, la réforme du Franc Cfa et la mise en place de l’Eco, aucun des Etats concernés en Afrique de l’Ouest n’a encore soumis de texte à ses députés pour aller en ce sens. Au point que Macky Sall faisait même dans la dérision en disant que la nouvelle monnaie pourrait même s’appeler «mbonat» (tortue en wolof. Ndlr).
Pour revenir à la question de départ, on peut se demander si la feuille de route que la Cedeao doit élaborer pour la mise en place de la nouvelle monnaie va encore parler de critères de convergence, car si l’on en vient à invoquer le Covid-19 pour freiner les choses, on ne peut se donner d’horizon dégagé où les effets de cette pandémie auront cessé de se faire sentir.