Dans un rapport, l’Isra, la Fao et le Cirad déclinent les stratégies à mettre en place pour un taux de couverture des besoins alimentaires satisfaisant à l’horizon 2050.
Par Dieynaba KANE – Des experts se sont penchés sur l’avenir de l’agriculture au Sénégal à travers un rapport co-publié par le Cirad, le Bureau d’analyses macroéconomiques de l’Institut sénégalais de recherches agricoles, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), en collaboration avec le gouvernement du Sénégal et la Dytaes. Dans un communiqué conjoint, les auteurs dudit document font état de «visions contrastées du devenir de l’agriculture sénégalaise à l’horizon 2050». Les experts, qui ont revisité les tendances passées à long terme, soulignent que «trois scénarios ont été construits : un scénario Agro-écologique (Ae), un scénario Agro-industriel (Ai) et un scénario intermédiaire de Coexistence verte». D’après eux, il y a «deux récits pour une seule question : la forme de l’agriculture de demain pour le Sénégal».
Ainsi, il est indiqué dans le document que «dans un contexte de doublement de la population à l’horizon 2050, une intensification, qu’elle soit écologique ou conventionnelle, est nécessaire pour assurer un taux de couverture des besoins alimentaires satisfaisant». Cheikh Sadibou Fall, chercheur à l’Isra et co-auteur du rapport, explique que «la principale différence entre ces scénarios est la mobilisation, dans le scénario agro-écologique, d’une plus grande force de travail, des processus écologiques permettant de réduire les intrants industriels et de plus de terres en restaurant notamment des terres dégradées». En outre, il est précisé que «le scénario agro-industriel mobilise plus d’intrants industriels, permettant d’atteindre des rendements plus importants». Et les auteurs du document d’ajouter : «Combinées à une augmentation des surfaces par agriculteur, ces augmentations de rendement bénéficient par contre à moins d’agriculteurs.» Partant de ce fait, ils font savoir que «dans les deux scénarios, le revenu des agriculteurs augmente, ce qui est une condition nécessaire pour avoir une agriculture viable et attractive pour les jeunes». Poursuivant leurs propos, ils soutiennent que «cette prospective a également permis de déceler un manque de connaissances nécessaires à la réalisation des visions Ae et Ai». Revenant sur l’importance de ces travaux, Anne-Sophie Poisot, du bureau de l’Innovation de la Fao, fait remarquer que dans l’immédiat, ils «informeront de l’élaboration d’une nouvelle stratégie nationale pour l’agro-écologie et l’agriculture biologique au Sénégal, initiée par le gouvernement du Sénégal avec la participation des acteurs». Selon les auteurs du document, cette «question est donc fortement d’actualité pour l’agriculture sénégalaise d’aujourd’hui et de demain».
Par ailleurs, il faut noter que les experts, dans le cadre de leurs travaux, sont partis du fait que «l’agriculture sénégalaise fait face à trois grands défis interconnectés d’ici 2050 : assurer une alimentation suffisante, saine, diversifiée, nutritive et accessible à tous les membres d’une population qui doublera d’ici trente ans ; fournir un travail et un revenu attractifs aux jeunes générations alors qu’elles se retrouvent déjà aujourd’hui souvent sans emploi, et préserver les écosystèmes (sols, eaux, biodiversité, etc.) ; adapter l’agriculture aux changements climatiques et contribuer à les atténuer pour ne pas mettre en danger les capacités productives et la sécurité alimentaire du pays à long terme». De ce fait, notent-ils, «pour faire face à ces défis, les orientations de la future Stratégie nationale de souveraineté alimentaire (Snsa) préconisent une augmentation durable de la disponibilité d’aliments en quantité et en qualité suffisantes, une promotion de l’accessibilité physique et économique d’une alimentation diversifiée et nutritive aux populations, un renforcement du financement ainsi que des services de recherche, développement et conseil». Et de souligner : «C’est dans ce cadre que l’initiative AgroEco2050 s’est inscrite pour aider le gouvernement du Sénégal à co-construire et quantifier des visions contrastées de l’agriculture sénégalaise à l’horizon 2050.»
S’agissant du rapport, Rémi Prudhomme, Marc Piraux et Bruno Dorin du Cirad, qui sont les auteurs, indiquent que «AgroEco2050-Sénégal est une prospective participative qui cherche à préciser les défis de l’agriculture sénégalaise à l’horizon 2050 en combinant les savoirs d’un groupe d’experts et un modèle biophysique et économique, Agribiom». Ils précisent que «cette initiative AgroEco2050-Sénégal a permis de regrouper une vingtaine d’experts de divers horizons et aux intérêts variés : des représentants des agriculteurs, des chercheurs, des experts de ministères sectoriels de l’Agriculture et de l’Environnement, des représentants d’entreprises privées, des Ong et d’agences gouvernementales». De même, «elle cherche à mettre en regard, à quantifier et à faire discuter deux visions contrastées d’évolution possible de l’agriculture et de l’alimentation sénégalaises, à savoir le modèle industriel et le modèle agro-écologique». L’exercice, soulignent les auteurs du document, «interroge et interconnecte plus particulièrement trois dimensions-clés : l’emploi, les usages des sols et le Pib, pour vérifier la cohérence de chaque scénario et discuter de leurs implications politiques».
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