Comparaissant hier pour «diffusion de fausses nouvelles», le leader du mouvement «Frapp France dégage» pourrait continuer à garder la prison, si les conseils du Parquet sont suivis par le Tribunal. Le ministère public, qui pense que Marius Sagna a soutenu de fausses informations en accusant la gendarmerie d’être à la solde du président de la République, a requis 2 ans de prison dont 6 mois ferme. La décision sera rendue le 14 octobre prochain.Par Justin GOMIS –
Le Parquet n’a pas été tendre avec Guy Marius Sagna. En prenant ses réquisitions, le ministère public a requis 2 ans de prison dont 6 mois ferme contre l’activiste, qui comparaissait pour «diffusion de fausses nouvelles». D’après le parquetier, la culpabilité de Guy Marius ne souffre d’aucune contestation, car il a tenu des propos très violents et livré de fausses informations en soutenant que la Gendarmerie nationale est à la solde du Président Macky Sall. Le Parquet estime aussi que le leader de «Frapp France dégage» a accusé à tort le général de Division, Haut commandant de la gendarmerie, Moussa Fall, d’avoir bloqué la plainte qu’il a déposée lorsqu’il a été agressé à Nianing.
Aux yeux du représentant du Parquet, qui a continué d’égrainer ses accusations, l’activiste a en outre soutenu dans son post facebook que c’était une cinquantaine de nervis qui agissent pour le compte du président de la République qui l’ont attaqué. Les dires de Guy Marius Sagna, de l’avis du procureur, sont truffés de mensonges qui suscitent le trouble à l’ordre public. Selon lui il a agi de mauvaise foi et cela ne peut pas être contesté, parce qu’il a parlé en supposant, soutient le magistrat du Parquet.
«Vous venez ici après, pour vous victimiser. Il faut arrêter ces agissements. Il faut apporter des réponses constructives sur le vécu quotidien des gens et pas verser toujours dans la critique», a déploré le substitut du procureur. Avant de renchérir : «On ne peut pas se permettre de laisser une catégorie de personnes verser dans la calomnie, dans l’injustice et jeter en pâture des hommes intègres. Il est temps de siffler la fin de la récréation.» Sur ce, il a requis 2 ans de prison dont 6 mois ferme et une amende de 100 mille francs Cfa.
«Je n’ai pas été arrêté pour un post sur facebook…»
Mais, pour sa défense, le leader de «Frapp France dégage» s’est inscrit en faux contre de telles accusations et parle de manigances dans cette affaire. «J’ai écouté et j’ai répondu à ces questions, mais ils ne m’ont pas posé huit questions comme c’est mentionné sur le procès-verbal», a-t-il tenu à préciser d’emblée. Et mieux, l’activiste pense connaître les raisons qui ont conduit à son arrestation. «Je n’ai pas été arrêté parce que j’ai fait un post sur facebook, mais plutôt parce que je suis un activiste. J’ai des engagements et on avait même des programmes qui sont très sensibles et c’est ce que voulait empêcher le gouvernement. Voilà pourquoi je suis ici, mais pas à cause d’un post sur un réseau social», a-t-il soutenu.
D’après Guy Marius, le général de Division Moussa Fall, qui dirige la gendarmerie, est mieux informé que tous les Sénégalais. Et c’est lui qui aurait bloqué sa plainte. «Sachez que notre plainte dort dans les tiroirs depuis 5 mois alors que tous mes camarades étaient blessés lors de l’attaque à Nianing. Certains d’entre nous ont eu des Interruptions temporaires de travail (Itt). Les noms des malfrats ont été donnés à la gendarmerie, mais ces derniers sont toujours en liberté», a-t-il dit. Le leader du mouvement «Frapp France Dégage» de préciser que «ce ne sont pas des suppositions car les actes sont plus parlants que les propos. Même si le général n’a pas dit à la Dic qu’il a bloqué la plainte».
Guy Marius déclare aussi ne pas connaître du tout le général de Division Moussa Fall et qu’il n’a jamais eu «l’intention de jeter en pâture ces braves gens qui sont de la gendarmerie».
A la question du juge de savoir s’il est bon de jeter un homme en pâture sur les réseaux sociaux, la réponse de l’activiste ne s’est pas fait attendre. «Il n’est pas aussi juste de jeter un citoyen à la vindicte populaire à Nianing», a-t-il rétorqué. Le leader de «Frapp France dégage» rappelle qu’on ne peut pas être plus royaliste que le roi. «Vous avez entendu le président (de la République) dire qu’il a mis son coude sur certains dossiers», a-t-il relevé à l’intention du Tribunal avant d’inviter les gendarmes à «faire la part entre l’institution et l’homme».
La défense n’a pas manqué de s’indigner du réquisitoire du Parquet. Selon Me Moussa Sarr, un des conseils de Guy Marius Sagna, «on ne juge pas pour l’exemple, mais on juge une personne pour des faits. Etre violent, c’est donner son opinion ? Je ne le pense pas. La violence, c’est essayer de bâillonner l’opinion et il faut qu’on arrête. La démocratie, c’est le débat et laissons les citoyens donner leurs avis», suggère-t-il. «La gendarmerie n’est pas une institution, nous faisons du droit. Sur dénonciation du général, le Parquet a saisi la Dic par WhatsApp. Mais je suis étonné. Le général est plus puissant que la justice», a dit l’avocat de la défense, Me Moussa Sarr, qui a plaidé la relaxe de son client. L’activiste sera édifié sur son sort le 14 octobre prochain.
Pour rappel, Guy Marius Sagna s’était rendu à Parkour, dans le département de Vélingara, avec ses pairs activistes pour dénoncer la grave spoliation foncière dont sont victimes les populations de cette localité. Le commandant Faye de la brigade de gendarmerie de Koukané avait, sur «ordre de la hiérarchie», pour instruction de «confier Guy Marius Sagna à la police des frontières de Vélingara», avait informé un de ses avocats de l’activiste.
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