Le trafic de médicaments est une plaie autant sur le plan économique que sanitaire. Lors des Assemblées générales de l’Acame (Association africaine des centrales d’achat de médicaments essentiels), dispositif important dans la distribution sécurisée des médicaments, ce fléau des faux médicaments était au cœur des préoccupations. Avec la survenue brutale du Covid-19, l’Afrique a affiché sa vulnérabilité dans le secteur pharmaceutique, surtout qu’elle importe l’essentiel de ses médicaments.Par Justin GOMIS

– Le trafic de faux médicaments a de beaux jours devant lui dans les pays africains. Mais si l’on en croit Jean-Claude Duka Lundu, «l’Acame est une réponse pour lutter contre la fraude». Le président de l’Association africaine des centrales d’achat de médicaments essentiels (Acame), qui tient ses rencontres à Dakar, explique le processus d’acquisition des médicaments : «Dans la pyramide sanitaire, il y a l’acquis, le stockage et la distribution. Et ce n’est pas n’importe qui qui peut acquérir des médicaments, que ce soit au niveau international et local.» Pour éradiquer ce fléau, dit-il, «nous devons faire la traçabilité de tous les produits qui arrivent au niveau de nos pays et de structures sanitaires. Si les produits ne passent pas sur un système sécurisé, qui serait en mesure de détecter les faux médicaments, les Etats auront toujours du travail. Mais quand tout le monde peut s’approvisionner au centre de santé, à l’hôpital ou dans une pharmacie sécurisée, tous nos fraudeurs seront démasqués». Selon lui, si «la centrale fonctionne bien et si le circuit est bien sécurisé, les Etats n’auront pas du travail à faire». Mais, admet-il, «il faut éduquer les populations dans l’utilisation des médicaments».

Il faut savoir que le trafic est faiblement réprimé au plan judiciaire alors que le phénomène des médicaments contrefaits est extrêmement lucratif. Selon l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (l’Iracm), pour mille dollars investis, le profit pour les organisations criminelles du secteur des faux médicaments serait jusqu’à 500 fois supérieur. Selon une étude de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), entre 30 et 60% de faux médicaments circulent en Afrique, entraînant le décès de plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le continent. Sans oublier le trafic beaucoup plus vaste sur internet avec méthodes de la criminalité organisée et de la cybercriminalité.

Pour faire face à cette économie frauduleuse, l’Etat du Sénégal avait mis en place en 2014, un Comité interministériel regroupant, sous l’égide du ministère de la Santé, regroupant le ministère du Commerce, la Douane, la police et la gendarmerie, pour mener la lutte contre les faux médicaments, y compris par des opérations coup de poing sur le terrain réalisées par le Groupement polyvalent de recherche et de répression de la fraude (Gpr). Après avoir initié son processus d’adhésion à l’Agence africaine des médicaments et engagé la procédure de ratification de la Convention Médicrime portant sur la contrefaçon des produits médicaux et des infractions similaires menaçant la santé publique, le Sénégal pourrait peut-être atteindre les objectifs du Plan de fabrication de produits pharmaceutiques pour l’Afrique (Pmpa) adopté par l’Union africaine.
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