Symposium sur la pensée de l’héroïne de Kabrousse : Vers un ouvrage sur Aline Sitoé Diatta

La vie et l’œuvre de Aline Sitoé Diatta, l’héroïne de Kabrousse, ont été revisitéesn à l’université Assane Seck de Ziguinchorn à travers un symposium sur le thème : «Aline Sitoé : 80 ans après, l’actualité d’une icône des luttes de libération et du refus de la désafricanisation.» Les organisateurs envisagent de réécrire, avec les résultats des réflexions, un ouvrage. Par Khady SONKO –
«Aline Sitoé va être revisitée et nous aurons un ouvrage d’elle produit par des universitaires sénégalais, des chercheurs universels», a promis Joseph Cabral, président du comité scientifique du symposium «Aline Sitoé : 80 ans après, l’actualité d’une icône des luttes de libération et du refus de la désafricanisation». «C’est une personnalité de dimension sénégalaise et africaine. Une combattante de la liberté, mais une combattante également de la souveraineté et du souverainisme, qui a très tôt compris que son territoire était sous menace, que sa culture était chahutée, et elle a fait face à l’administration coloniale pour dire non aux injonctions des Français et à leurs exigences persistantes d’appuyer la métropole en guerre», a développé l’historien Nouha Cissé. Des historiens, anthropologues, économistes et politiques, entre autres disciplines, ont pris part au symposium. «Chacun essaiera à partir de son domaine de lire la pensée de Aline Sitoé Diatta et de dire ce que nous pouvons en retenir aujourd’hui et pour les générations futures», a promis M. Cabral lors de l’ouverture. Il s’agit, pour les organisateurs, de séparer l’accessoire de l’essentiel. «Nous avons l’habitude de célébrer nos ancêtres avec trop de folklore. L’accessoire prend le dessus sur l’essentiel. L’essentiel, pour nous, c’est de réécrire l’histoire et d’offrir ce récit à nos enfants», a développé Joseph Cabral.
D’après le président du comité scientifique, ce symposium est une suite logique du mouvement de pensée initié depuis 2023 et dont l’objectif est de revisiter le legs des ancêtres, particulièrement les penseurs combattants. «Ce qui nous permet de revisiter notre histoire, de lire le monde du lieu où nous nous situons. Telle est l’idée qui a précédé l’événement de ce symposium. Après Amilcar Cabral, nous nous sommes dit que nous allons revisiter une figure féminine. En partant de ce que nous constatons, les histoires de lutte des libérations sont souvent ponctuées par une action invisible des femmes, donc souvent reléguées au second plan lorsque viennent les moments de gloire. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de revisiter le legs d’une femme dont la parole a été étouffée à 24 ans», a expliqué François Joseph Cabral de l’Ucad.
Ce qui distingue Aline des autres figures de la résistance, selon le Recteur de l’Uasz, c’est non seulement sa jeunesse et sa condition de femme dans un contexte patriarcal, mais aussi la nature profondément spirituelle et culturelle de son engagement. «En prônant un retour aux pratiques agricoles traditionnelles et en dénonçant les réquisitions de guerre imposées par l’administration coloniale, elle a articulé une résistance enracinée, à la fois politique, économique et symbolique. Son discours reposait sur une critique implicite de l’aliénation culturelle coloniale et une volonté affirmée de réhabilitation de l’identité casamançaise», a rappelé Alassane Diédhiou. En cela, poursuit le recteur de l’Uasz, «Aline Sitoé Diatta incarne non pas une résistance armée, mais une résistance pacifique, ancrée dans la terre, la foi et l’identité culturelle».
Une chaire Aline Sitoé Diatta
Arrêtée en 1943 et déportée à Tombouctou, Aline y meurt dans des circonstances opaques, à seulement 24 ans. Selon le Recteur, son action, bien que brève, a pu marquer un tournant. «Elle démontre que la lutte contre l’oppression peut prendre la forme d’une réaffirmation de soi, d’une insoumission morale et culturelle face à l’ordre dominant.» «Dans nos institutions universitaires, qui sont des lieux de production critique du savoir, il est de notre responsabilité de déconstruire les narrations hégémoniques pour faire émerger ces voix longtemps marginalisées. Aline Sitoé Diatta mérite une place de choix dans nos recherches en histoire, en anthropologie, en études postcoloniales et en genre, car son parcours est un point nodal entre la résistance populaire, la spiritualité africaine et la pensée féminine émancipée», a dit Alassane Diédhiou. Il a félicité les initiateurs et les organisateurs du symposium sur Aline Sitoé d’avoir choisi l’Uasz pour abriter cet événement. «Nos enseignants-chercheurs sauront décrypter ce message, qui est une invite à non seulement faire davantage de recherche sur la vie de cette héroïne, Aline Sitoé Diatta, mais aussi introduire des modules d’enseignement dans certaines de nos formations en histoire, sociologie, entre autres, et ériger une chaire Aline Sitoé Diatta», a promis Alassane Diédhiou. «Aline Sitoé est une voix qui continue de nous parler, une lumière qui éclaire nos combats d’aujourd’hui pour la dignité, pour l’identité, pour la souveraineté culturelle», a déclaré Abdoul Aziz Niang, directeur de l’Ufr Ses (Sciences économiques et sociales).
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