L’Institut français a accueilli la projection du film «Chasseurs d’étoiles», retraçant la contribution du Sénégal aux missions de l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace (Nasa). Organisée en plein Ramadan par l’institut en collaboration avec l’Agence sénégalaise des études spatiales (Ases) et l’Association sénégalaise pour la promotion de l’astronomie (Aspa), cette initiative a offert un espace de réflexion autour du thème : «Cosmos et spiritualité.»Par Ousmane SOW –

 L’univers, sa création et son origine ont toujours fasciné l’humanité. Cette quête de sens, qui s’étend au-delà des limites du tangible, se heurte aux frontières de la science, de la métaphysique et de la foi. Et lors de la table ronde sur le thème : «Cosmos et spiritualité», organisée par l’Institut français de Dakar en collaboration avec l’Agence sénégalaise des études spatiales (Ases), scientifiques, philosophes, écrivains et artistes ont croisé leurs regards. Selon le directeur de l’Agence sénégalaise des études spatiales, Maram Kairé, la science et la foi ne s’opposent pas. «Il faut arrêter de voir une séparation entre la religion et la science, à tel point que l’une empêcherait l’autre. Il n’y a pas de dichotomie. Quand la science s’arrête à un moment donné, parce que nos moyens ne le permettent pas, la religion peut donner des explications», a-t-il déclaré après la projection du film Chasseurs d’étoiles dont il est le personnage principal. L’événement, qui s’inscrit dans l’esprit du Ramadan, a réuni scientifiques, écrivains, élèves, étudiants et artistes pour une soirée dédiée à l’astronomie et à la spiritualité. Après la rupture du jeûne et un interlude musical soufi assuré par Clayton Hamilton, le public a pu observer la lune à travers des télescopes mis à disposition. Une mise en condition parfaite avant d’entamer une discussion autour de la thématique.

Astronomie, «la mère des sciences»
Premier astronome sénégalais à avoir un astéroïde à son nom : 35 462, Maram Kairé rappelle que l’astronomie est la mère des sciences. «Les premiers êtres qui ont regardé le ciel étaient déjà des astronomes. Aujourd’hui, nos télescopes nous permettent de voir jusqu’à 13 milliards d’années dans le passé», a-t-il expliqué. Mais jusqu’où l’homme peut remonter dans le temps car, au-delà d’un certain point, les modèles mathématiques échouent ? «Aujourd’hui, nous avons étudié l’univers jusqu’à sa première seconde d’existence, et nous continuons de creuser. Mais il arrive un moment où les modèles mathématiques ne fonctionnent plus, où le temps et l’espace disparaissent», fait-il savoir. Et c’est là que surgit la question fondamentale : qu’y avait-il avant ? «Les scientifiques disent que nous n’avons pas encore les outils pour le savoir. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y avait rien. Certains estiment que tout ceci était entre les mains d’un architecte», dira Maram Kairé.

«L’univers est le langage de Dieu»
Pour le philosophe Blondin Cissé, ces interrogations rappellent celles des mythes et des récits sacrés. «Avant même les monothéismes sémitiques, les anciennes civilisations ont tenté de comprendre l’univers à travers des cosmogonies puis­santes. L’épopée de Gilgamesh, par exemple, contient un récit du Déluge très similaire à celui de la Bible et du Coran», a-t-il souligné. Loin d’être en opposition avec la science, pour Dr Blondin Cissé, enseignant-chercheur à l’Uni­versité Gaston berger de Saint louis, ces récits anciens illustrent une quête universelle de compréhension du monde. «Les découvertes scientifiques n’annulent pas les récits religieux, elles les éclairent sous un autre angle», a-t-il ajouté. L’écrivaine Ken Bugul, elle, a partagé une expérience plus intime. «Depuis mon enfance, j’ai toujours cherché Dieu à travers le cosmos. Aujourd’hui encore, chaque nouvelle image du télescope James Webb nourrit ma foi et ma réflexion», a-t-elle confié. Pour l’écrivaine, cet émerveillement est aussi une source d’inspiration pour la création artistique. «Dans les dynamiques actuelles pour l’Afrique, on parle maintenant d’afrofuturisme. Et on peut utiliser les étoiles pour écrire des ouvrages, faire des créations afrofuturistes en nous inspirant du cosmos», a-t-elle lancé. Le Pr Madiama Fall a, quant à lui, insisté sur la nécessité de dépasser la séparation entre science et spiritualité. «L’univers est le langage de Dieu. La lumière, c’est la source de toute création, mais nous ne pouvons pas comprendre ce qui se trouve au-delà», a-t-il affirmé. Pour l’islamologue, le débat entre croyants et scientifiques est souvent mal posé. «Quand la science atteint ses limites, la religion peut offrir des réponses, mais cela ne signifie pas que la recherche doit s’arrêter. L’important, c’est d’accepter que nous ne savons pas tout», a-t-il conclu. Une vision partagée par Maram Kairé, qui voit dans cette quête une invitation à l’humilité. «Tout ceci ne peut pas être le fruit du hasard. Il y a un ordre, une programmation. Mais cela ne doit pas freiner notre curiosité. Il faut continuer à chercher», a-t-il ajouté.
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