A l’image de la capitale sénégalaise, plusieurs quartiers de la Capitale du Rail sont également touchés par la pénurie d’eau. Aujourd’hui à Thiès, des camions citernes dans les rues et des rendez-vous au puits font désormais parti du décor de la ville aux deux gares.
«Avoir de l’eau relève du miracle. Actuellement, on se lève aux aurores pour espérer en avoir. Du fait de sa rareté, nos foyers souffrent», pleure Ndèye Astou Sall, la trentaine révolue, un point de beauté surplombant la lèvre supérieure. Comme elle, plusieurs habitants des quartiers populaires, notamment Cité Lamy, Jung, Mbour 3, Madina Fall, Don Bosc,… souffrent dans leur chair. Leur dignité est presque bafouée. «Nous n’en pouvons plus. Et nous avons terriblement soif», confie Awa Mbaye au milieu d’une foule de femmes s’approvisionnant au puits Baye Idy Thiandoum, au quartier Cité Lamy.
Armées de bassines, de seaux et de bidons vides, les femmes font la queue pour alimenter leur foyer. «Nous sommes fatiguées. Nous passons toute la journée à ce puits. Et quand nous interpellons la Sde, elle reste muette face à nos problèmes», confie, avec une mine déconfite, Ramatoulaye Diaw, guettant du regard son tour. «Cela fait des mois que nous peinons à avoir une goutte d’eau dans nos maisons. Je ne me souviens plus de la dernière fois que j’en ai eu à la maison. Nous sommes fatiguées de courir à la recherche du liquide précieux», se désole-t-elle, un voile bariolé recouvrant ses frêles épaules.
Excédées par la situation, les populations menacent de durcir le ton. «Si rien n’est fait, nous allons organiser des manifestations», explique l’une d’elles, une bassine pleine d’eau négligemment posée sur la tête. Les femmes de ces quartiers font même dans la menace. Elles optent pour la manière forte. Les bras ballants, Awa Ndiaye d’indiquer : «Si les responsables de la Sde ne règlent pas la situation au plus vite, leurs agents seront boutés hors de nos quartiers s’ils viennent pour relever nos compteurs. Mieux, nous n’allons plus payer les factures.» Bouillante à 100 degrés, elle tempère par moments son discours et accorde le sursis à la Sde. «Nous leur donnons juste un sursis de dix jours», déclare-t-elle. Mal desservis, ces quartiers recourent à l’achat de fûts d’eau pour se ravitailler, mais c’est sans compter avec certains charretiers véreux. «Le fût est vendu à 700 F Cfa voire 1 000 F Cfa. Et on en achète deux voire quatre dans la journée, déplore Awa Ndiaye. On en a marre, assez de ces problèmes d’eau.» A défaut d’avoir son fût, elle se rabat sur l’eau de puits pour alimenter son foyer.
L’excès de colère provient surtout du caractère onéreux des factures. Du haut de son mètre 70, Ramatoulaye Diaw dit crouler sous le poids des factures. A l’en croire, la Sde lui a servi une note salée estimée à 25 mille francs Cfa. «Comment peut-on me servir une telle facture alors que nous n’avons même pas eu d’eau deux jours de suite», s’interroge-t-elle. Au moment où une femme tout en noir se détache de la foule pour exprimer sa complainte. «Il y a quelques jours, j’ai dû me réveiller en pleine nuit pour chercher de l’eau pour mon petit-fils. Et il n’y avait pas une seule goutte dans la maison. J’ai eu vraiment la peur de ma vie», dit-elle.
En pointant un doigt accusateur sur la Sde. Pourtant, «avec l’inauguration d’un château d’eau de Mbour 3 par le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne (Ndlr : d’une capacité de 2 000m3 en mars 2016), nous avions eu l’espoir que les problèmes d’eau à Thiès étaient terminés». Mais que nenni : «Aujourd’hui, cet espoir s’est tristement brisé, se transformant en un sombre désespoir parce que la pénurie d’eau est toujours récurrente et a fini de nous plonger dans un calvaire indescriptible. La situation est devenue intenable.» En cette période de canicule, nombreux sont les Thiessois qui attendent que des solutions durables soient trouvées. Joint par téléphone, un responsable de la Sde explique : «Les populations sont confrontées à des problèmes dans la distribution à cause des travaux de renouvellement des tuyaux colmatés.» Pour lui, «la situation devrait revenir à la normale très bientôt. Je ne saurais vous donner une date exacte, mais il y aura bientôt une nette amélioration dans la distribution de l’eau. En attendant, des camions citernes circulent pour alimenter ces quartiers», rassure-t-il en entonnant l’«éternel» discours des autorités.
nfniang@lequotidien.sn