L’application concomitante et intégrale du Règlement 14 de l’Uemoa, qui vise à lutter contre les surcharges, première cause de dégradation prématurée des infrastructures routières construites à coups de milliards F Cfa, devrait être généralisée à partir du 1er janvier 2024. Mais, la date va être repoussée à cause des réticences des Etats. Par Justin GOMIS –

Adopté en décembre 2005, le Règlement 14 de l’Uemoa peine à être effectif dans les pays membres, même avec l’acte additionnel de la Cedeao. Et malgré les efforts consentis par les autorités pour assurer le service des routes construites pour une durée de vie de 15 ans, ces dernières se dégradent dès les 4e et 5e années. Une situation que Malang Faty, ingénieur en génie civil et par ailleurs ancien directeur de l’Aménagement des territoires à la Commission de l’Uemoa, explique par l’exploitation de la route par les transporteurs et les commerçants. «C’est un secteur porteur où il y a beaucoup d’intérêts. Certains luttent pour préserver leur patrimoine. D’autres pensent qu’ils peuvent mieux exploiter la route en surchargeant. Ils mettent beaucoup plus de surcharges en pensant qu’ils vont gagner beaucoup plus d’argent. C’est ça le conflit d’intérêts entre les pouvoirs publics et les transporteurs qui pensent à la rentabilité du transport.» Il poursuit : «C’est là où se trouve le problème en pensant qu’en surchargeant on gagne de l’argent. Malheureusement, on ne gagne pas de l’argent. On perd le matériel, on perd la route et on perd l’homme pour l’argent. L’impact de la surcharge est extraordinaire. Il agit sur l’homme, la santé et le matériel. C’est à ce niveau que se trouve la difficulté de mise en application.»

Si on appliquait ces deux textes communautaires, on pourrait lutter efficacement contre la surcharge. Mais, la situation commence à bouger dans l’es­pace Uemoa. «Il y a des pays qui ont fait des efforts pour l’application du Règlement 14 dans la sous-région. Le Togo applique davantage le règlement que les autres pays, mais le Sénégal occupe une très bonne place. Si le Sénégal a occupé cette deuxième place, c’est parce qu’il n’applique pas intégralement les amendes», rappelle M. Faty. Que faire pour changer la donne ? «Il nous faut continuer de sensibiliser pour que nous puissions retrouver la première place», conseille Malang Faty.

Bien sûr, les acteurs avaient projeté de faire appliquer le Règlement 14 et l’acte additionnel dès le 1er janvier 2024. Mais après la rencontre de Cotonou, il y a deux semaines, ils se sont rendu compte au cours de leur évaluation qu’il y a encore quelques difficultés et des efforts à faire. «Ainsi, nous avons estimé qu’il faut repousser la date jusqu’en avril 2024. Il faut qu’on essaye d’évaluer encore, et voir si on peut retenir une autre date pour la mise en application. Ça peut être en avril, ça peut-être en janvier 2015», informe Malang Faty.

En tout cas, pour atteindre cet objectif, les autorités doivent concrétiser leur volonté politique. «Elle est primordiale et il faut que l’autorité prenne en charge cette question de la surcharge. Sans volonté politique, on ne peut rien faire», remarque-t-il. Selon lui, il faut aussi une application concomitante. La question du transport n’est pas seulement au niveau interne, mais il y a aussi nos échanges avec les pays voisins. «Il faut que tous ces pays appliquent le règlement. Avec la surcharge, il faut délaisser. Plus le véhicule circule, plus il dégrade, s’il se trouve que le camion est au niveau d’une station et qu’il est contrôlé, on l’amende et on délaisse. Ça permet au véhicule de continuer sa route sans la dégrader. Il faut aussi appliquer les amendes. Il faut bien qu’au niveau du Sénégal, on applique les amendes communautaires. . Le Sénégal applique la moitié. A terme, il faut aller vers l’application complète des amendes du Règlement 14», insiste M. Faty. Il persiste : «Il faut des mesures d’accompagnement. Les véhicules aujourd’hui sont vétustes. Le renouvellement du parc est essentiel parmi les recommandations qu’il faut retenir et veiller à ce que tout le monde adhère à l’idée. L’objectif est que les journalistes nous accompagnent dans cette lutte contre la surcharge en nous aidant dans la sensibilisation.»

Il faut savoir que Malang Faty a fait cet exposé lors d’un atelier de formation et de sensibilisation des journalistes sur la préservation du patrimoine routier et l’occupation anarchique des emprises routières. Le Règlement n°14/2005/­Cm/Uemoa est relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
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